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Bath vint prendre séance à la chambre haute, le nouveau comte d’Orford traversa la salle, et lui dit : « Eh bien ! mylord, nous voilà donc ici les deux garçons les plus insignifians de l’Angleterre. »

La chute du ministre trop long-temps puissant devait désarmer ses ennemis ; elle ne désarma pas la multitude. Le peuple, disait-on, demandait vengeance. La nouvelle majorité aurait été fort embarrassée de lui donner satisfaction. Quelques hommes, implacables par nature ou peut-être par calcul, insistaient bien pour une accusation, tout au moins pour une enquête. On fit même passer à trois voix de majorité la création d’un comité chargé d’y procéder, et ce jour (23 mars), Horace Walpole prit la parole pour la première fois. Il prononça pour la défense de son père quelques mots préparés et mesurés, qu’il nous a conservés dans une de ses lettres, et que loua M. Pitt en combattant ses conclusions. Les apparences furent quelque temps menaçantes ; on prononçait des mots sévères, violens. Le comité était hostile en majorité, et les souvenirs des procédés de la guerre civile n’étaient pas tellement effacés, qu’on ne pût concevoir des doutes inquiétans sur le sort d’un ministre poursuivi par le cri populaire ; mais le temps apaisa les haines en détournant la défaveur publique sur les hommes que l’opposition cédait au pouvoir. Trahi par quelques-uns, Walpole trouva des amis fidèles. Les crimes qu’on lui imputait étaient imaginaires ; les reproches fondés ne purent être justifiés, ou portaient sur des faits autorisés par cent exemples, imités par ses successeurs. On eût, en le frappant, atteint les ministres qu’on appuyait, et lorsqu’après trois ou quatre mois de recherches minutieuses et de vains débats, le comité fit son rapport, la futilité des conclusions parut ridicule. « C’est un rapport qu’il faut imprimer, disait-on, car autrement le roi ne pourrait le lire, et c’est une lecture qui lui fera plaisir. »

Walpole était vengé. Au tour de ses ennemis de compter avec l’opinion. Son fils apprenait à se moquer du monde politique. Cette première expérience des affaires eut sur lui une durable influence. Elle ne le détacha pas de la cause ni de la constitution que son père avait servies ; mais elle lui inspira tout à la fois un grand dédain pour le public, des ressentimens contre certains hommes d’état, de la défiance envers tous, et le goût de les peindre plus que de les imiter. Son début comme orateur lui laissa un bon souvenir, mais peu d’envie de recommencer. Son tour d’esprit et peut-être sa constitution délicate ne lui promettaient pas les grands succès de la tribune, et l’on dit qu’il ne parla que deux ou trois fois pendant les vingt-sept ans qu’il siégea sur les bancs parlementaires. Il n’avait rien de cette force et de cette égalité de tempérament, de ce fonds de bonne humeur qui s’unissait, chez son père, à l’activité ardente d’une infatigable ambition. Il faut