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possédait et exerçait toute l’autorité de son oncle. Elle avait toujours à sa tête les deux grandes maisons de Vendôme et de Lorraine, avec deux princes du sang, le prince de Conti et le duc de Longueville, suivis d’un très grand nombre de familles illustres. Elle dominait dans les salons, grâce à une troupe brillante de jolies femmes qui entraînaient après elles la fleur de la jeune noblesse. Enfin l’armée elle-même était divisée. Turenne, avec les troupes restées en observation sur les bords du Rhin jusqu’à la parfaite conclusion et aux dernières ratifications du traité de Westphalie, docile à l’impulsion de son frère aîné, le duc de Bouillon, qui voulait ravoir sa principauté de Sedan, venait d’arborer l’étendard de la révolte, et il menaçait de mettre la cour entre son armée et celle de Paris. Ajoutez que le parlement de la capitale avait envoyé des députés à tous les parlemens du royaume, et qu’il se formait ainsi une sorte de ligue parlementaire formidable en face de la royauté. Mais le vainqueur de Lens restait à la monarchie. Condé prit le commandement de tout ce qui restait de troupes fidèles, et de toutes parts il fit face à l’insurrection. Il écrivit lui-même à l’armée du Rhin, qui le connaissait, qui l’avait vu, après la déroute essuyée par Turenne à Mariendal, la ramener à l’ennemi et à la victoire : ces lettres, appuyées des démarches du gouvernement, suffirent pour arrêter la révolte, et Turenne, abandonné par ses propres soldats, fut contraint de s’enfuir en Allemagne. Tranquille de ce côté, Condé marcha sur Paris et en forma le siège. Au lieu d’y disputer, comme il l’aurait pu, le terrain pied à pied à la sédition, il lui laissa la plus libre carrière, bien sûr que le spectacle de la licence, qui ne tarderait pas à paraître, éclairerait peu à peu les esprits et ramènerait à la royauté les honnêtes gens un moment égarés. Il avait commencé par faire appeler, au nom de la reine et par sa mère, toute sa famille à Saint-Germain. Le prince de Conti el M. de Longueville n’avaient pas osé désobéir ; mais La Rochefoucauld avait bien compris qu’il y allait du plus grand péril pour la Fronde : il s’était empressé de courir après ces deux princes, il avait fini par les ramener à Paris, et il avait fait nommer bien vite le prince de Conti généralissime. Pour Mme de Longueville, il l’avait aisément retenue, et elle s’était fait excuser auprès de la reine et de sa mère sur sa grossesse, déjà fort avancée, qui ne lui permettait pas la moindre fatigue. En effet, Mme de Longueville était devenue grosse une dernière fois en 1648, et, il faut bien le dire, quand déjà sa liaison avec La Rochefoucauld avait éclaté. C’est dans cet état que, voulant partager les périls de ses amis, glorieuse aussi de jouer un rôle et d’occuper toutes les trompettes de la renommée, elle fit la guerrière autant qu’il était en elle. Il y a, dit-on, un portrait d’elle qui la représente en Pallas, à peu près comme on représenta