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« Un petit mot de réponse sur ce que vous trouvés de gens de votre party et du mien, etc. »

Mme de Longueville l’emporta ; tout l’hôtel de Rambouillet passa de son côté, et Benserade, battu après avoir été triomphant, se plaignit à celle qui lui avait dérobé sa gloire :

« Vous m’avez donc mis le dernier !
Un autre a sur moi la victoire.
Moi qui me faisais tant accroire :
C’est assez pour m’humilier.

« Ce malheur me va décrier
Par tout le temple de mémoire,
Et déchu d’une haute gloire,
Je m’en retourne à mon fumier. »


Citons encore ce joli quatrain de Mlle de Scudéry :

« A vous dire la vérité,
Le destin de Job est étrange.
D’être toujours persécuté,
Tantôt par un démon et tantôt par un ange. »

Tels étaient les frivoles passe-temps, à la fois innocens et dangereux, de Mme de Longueville. Toutes les prospérités et toutes les félicités de la vie l’entouraient. Tout conspirait en sa faveur ou plutôt contre elle, les succès de l’esprit comme ceux de la beauté, la gloire toujours croissante de sa maison, l’enivrement de la vanité, les secrets besoins de son cœur. L’épreuve était trop forte ; elle y succomba. Dans ce monde enchanté du bel esprit et de la galanterie, plus d’un adorateur attira son attention ; l’un d’eux finit par l’emporter, selon toute apparence, à la fin de 1647 ou au commencement de 1648. Elle avait alors vingt-neuf ans.

François, prince de Marcillac et duc île La Rochefoucauld, était le fils aîné de François de La Rochefoucauld, que Louis XIII fit duc et pair en 1622, et de Gabrielle de Liancourt. Il était né le 15 décembre 1613, et d’assez bonne heure il avait épousé Mlle de Vivonne. Il servit honorablement en Italie et en Flandre, et en 1646 il avait été blessé au siège de Mardyk. Comme dit Retz, il n’était pas guerrier, quoiqu’il fût très soldat. Sans être d’une grande beauté, il était bien fait et fort agréable. Ce qui le distinguait par-dessus tout, c’était l’esprit. Il en avait infiniment, du plus fin et du plus délicat. Sa conversation était douce, aisée, insinuante, et ses manières de la politesse la plus naturelle à la fois et la plus relevée. Il avait un grand air. La vanité lui tenait lieu d’ambition. Il aima de bonne heure à se distinguer et à se mêler d’intrigues. Profondément personnel, et ayant fini par bien se connaître lui-même et à réduire en théorie sa nature, son caractère et