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le 20 août 1648, la mémorable bataille que nous avons racontée, où il fut aussi prudent que l’a jamais été Turenne, et aussi audacieux que son propre génie et les circonstances le commandaient. Dès-lors les négociations marchèrent vite. Le 24 octobre 1648 fut signé à Munster le traité de Westphalie, qui donna pour un siècle la paix à l’Allemagne, y affermit la liberté religieuse, et consacra toutes les conquêtes de la France sur l’empire.

Grâce à ce traité, Mazarin n’avait plus en face de lui que l’Espagne, et il comptait l’amener bientôt à l’échange qui seul pouvait donner à la France du côté du nord une frontière semblable à celle qu’elle venait d’acquérir au midi de l’Allemagne. Il rêvait, au bout de quelques campagnes heureuses, un traité plus favorable encore que celui des Pyrénées en 1660. Il avait dans sa main le vainqueur de Lens, qu’il pouvait lancer sur les Pays-Bas ; il pouvait porter en Espagne et en Italie des généraux encore supérieurs à d’Harcourt et à Schomberg ; il comptait soutenir ou ranimer l’insurrection de Naples : un magnifique avenir était devant la France. Qui lui a enlevé cet avenir ? qui a divisé et épuisé ses forces ? qui lui a fait verser de ses propres mains ; son meilleur sang ? qui a mis aux prises les uns contre les autres ses plus illustres capitaines ? qui a arrêté Condé dans sa course à vingt-sept ans, lorsqu’il pouvait ajouter tant de nouvelles victoires à toutes celles de sa jeunesse, et porter le drapeau français à Bruxelles ou à Madrid ?

C’est la Fronde qui a commis l’inexpiable crime d’avoir suspendu l’élan de Condé et de la grandeur française. Dm moins en retour a-t-elle agrandi et développé nos vieilles franchises nationales ? Loin de là : par une réaction inévitable, elle a dégoûté pour long-temps la France d’une liberté anarchique, incompatible avec l’ordre public, avec la force du gouvernement et de la nation ; elle a ôté à la royauté toute espèce de contre-poids ; elle a enfanté le despotisme d’abord intelligent et utile, puis imprévoyant et funeste de Louis XIV.

Et maintenant, qui a donné naissance à la Fronde ou qui l’a soutenue ? qui a relevé l’ancien parti des importans, étouffé, ce semble, sous les lauriers de Rocroy ? qui a renouvelé les intrigues des petits maîtres et des petites maîtresses de 1643 ? qui a séparé les princes du sang de la couronne ? qui a tourné contre le trône cette illustre maison de Condé, qui jusque-là en avait été le boucher et l’épée ? Sans doute il y a ici bien des causes générales ; mais il nous est impossible de nous en dissimuler une, toute particulière il est vrai, mais qui a exercé une puissante et déplorable influence, l’amour inattendu de Mme de Longueville pour un des chefs des importans, devenu un des chefs de la Fronde. Oui, je le dis à regret, c’est Mme de Longueville qui, passée du côté des mécontens, y attira d’abord une partie de sa famille,