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et à son indépendance. Nous ne doutons point que, mieux éclairée, elle ne revienne à ses sympathies naturelles pour la France; c’est le penchant des deux pays de vivre unis; c’est aujourd’hui l’intérêt de la paix qu’ils ne cessent point de l’être pour des questions que des préjugés peu intelligens peuvent seuls parvenir à obscurcir.

La session législative vient d’être close à Turin ; ce n’est point sans peine, sans tiraillemens, sans avoir eu à surmonter des difficultés sérieuses, que le parlement piémontais est arrivé à la fin de ses travaux. La clôture de la session laisse le cabinet d’Azeglio en possession du pouvoir, et il n’est point probable que les crises ministérielles se renouvellent, au moins d’ici à la rentrée des chambres. On pourrait, à un certain point de vue, résumer l’histoire du parlement sarde, durant cette législature de 1851 à 1852, par un mot : Il a vécu ! Au fond, la situation du Piémont n’en a pas moins ses embarras, qui naissent, si l’on nous permet ce terme, de la lente et laborieuse acclimatation du régime constitutionnel. On peut se souvenir de l’incident politique qui amenait, il y a quelques mois, un changement ministériel, et qui offrait ce spectacle singulier d’une alliance inattendue entre un des membres du cabinet, M. de Cavour, et M. Ratazzi, chef de ce qu’on nomme le centre gauche. Cet incident n’a point eu de suites pour le moment, mais il est évident qu’il laisse des germes de division dans la situation politique du Piémont, et qu’il peut devenir le point de départ de difficultés nouvelles dans le parlement. Rien ne prouve mieux l’utilité de la modération et de la prudence dans la pratique des institutions libres, surtout quand ces institutions en sont encore à leur début, comme dans le Piémont. Le régime parlementaire a besoin de circonspection avec lui-même, et il en a besoin surtout quand il a à traiter quelques-uns de ces intérêts délicats qui relèvent de diverses juridictions. Nous disons ceci au sujet des pénibles discussions qui se sont élevées depuis quelques années dans le Piémont entre l’église et le pouvoir civil. Ces luttes viennent de prendre un degré de vivacité nouvelle. Le gouvernement a présenté aux chambres une loi réglant les formalités civiles du mariage, qui n’était jusqu’ici soumis qu’à la juridiction religieuse. Les évêques du Piémont et de la Savoie, dans des pétitions adressées au sénat et dans des déclarations publiques, ont protesté contre le projet du gouvernement, dans lequel ils voient une atteinte aux droits de l’église. C’est donc une lutte religieuse engagée. Nous n’avons point le dessein de discuter une telle question; à notre sens, le gouvernement était dans son droit, et on ne saurait voir une atteinte portée à la religion dans ce seul fait de la constatation civile du mariage se coordonnant avec tous les autres actes de l’état civil. S’il en était autrement, il nous faudrait convenir que, pour notre part, en France, nous sommes en état permanent de violation des lois religieuses, et cela du consentement du chef de l’église. Mais n’est-il point évident, — et là est toute la difficulté, — que c’est une de ces questions qui ne se peuvent résoudre que par l’accord des deux pouvoirs? La loi sur le mariage civil n’a été votée encore que par la chambre des députés; le sénat n’aura à la discuter que dans quelques mois. D’ici là, il y aurait, à notre avis, le plus grand intérêt pour le gouvernement piémontais à agir de nouveau auprès du saint-siège. On assure que l’ambassadeur de France à Rome s’emploie très activement à