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n’avons été que 222 contre 215. — Comment trouvez-vous une majorité de 7 ? L’opposition a triomphé hautement, et elle a eu raison. Une ou deux victoires pareilles, comme disait Pyrrhus, le membre pour)a Macédoine, consommeront notre ruine. Je regarde maintenant que la question est Downing-Street[1] ou la Tour. Viendrez-vous voir quelqu’un, s’il lui advient de loger au second endroit ? Il s’y trouve mille jolies choses pour vous amuser : les lions, la salle d’armes, la couronne, et la hache qui trancha la tête d’Anne Bullen. J’ai le projet de demander la chambre où les deux princes furent étouffés[2]. Dans les longues soirées d’hiver, lorsque la compagnie manquera, car je ne suppose pas que beaucoup de monde me vienne voir alors, on peut se mettre à griffonner des vers contre Richard au des voûté et des élégies sur les doux enfans. Si je meurs là, et que mon corps soit jeté dans un bois, je suis trop vieux, n’est-ce pas ? pour être enterré par des rouges-gorges.

« Bootle, le chancelier du prince[3], a fait un très long et stupide discours ; après quoi, sir R. l’a appelé et lui a dit : « Frère Bootle, prenez garde de ne pas gagner mon ancien surnom. — Quel était-il ? — Brouillon (Blunderer). » Vous ne pouvez comprendre combien j’ai été heureux des grands et mérités applaudissemens qu’a obtenus le frère de M. Chute, le légiste. Je n’ai jamais entendu discours plus clair et plus beau. Lorsque je suis rentré : « Cher monsieur, ai-je dit à sir R., j’espère que M. Chute gagnera son élection pour Heydon. Ce serait une grande perte pour vous. » Il m’a répondu : « Nous entendons bien ne pas le perdre. » Moi qui ne me mêle de rien, ni surtout d’élections, et qui ne vais point aux comités, je m’intéresse excessivement pour M. Chute[4]. »


« Mercredi soir, onze heures, 16 décembre 1741. Rappelez-vous ce jour.

« Nous voilà de la minorité ; entends-tu cela ? hé[5] ! Mon cher enfant, puisque vous voulez avoir l’explication de ces vilains mots, ils signifient que nous sommes métamorphosés en minorité. C’était le soir où l’on devait choisir un président pour le comité des élections : Gyles Earle, comme dans les deux derniers parlemens, était nommé par la cour ; le docteur Lee, un juriste, par l’opposition, homme d’une honorable réputation. Earle était précédemment de la dépendance du duc d’Argyle ; il est remarquable par la cupidité et par l’esprit, et il en a largement dépensé de son esprit contre les Écossais et les patriotes. C’était une journée fort attendue, et les deux partis avaient rassemblé toutes leurs chances. J’excepte environ vingt membres qui sont à Londres, mais qui se réservent pour voter sur une seconde question, s’il peut y avoir

  1. La rue près de Whitehall, où étaient, où sont encore l’office du premier lord de la trésorerie et les principaux ministères.
  2. Toutes les curiosités dont il est ici question, excepté les lions qui ont été transportées au jardin zoologique, se voient encore à la Tour de Londres. On sait que c’est dans une chambre de cet édifice que les enfans d’Édouard IV furent tués par ordre de Richard III. Cet événement tragique a été l’objet de beaucoup de fables populaires.
  3. Sir Thomas Bootle, chancelier du prince de Galles, qui était dans l’opposition et qui fut le père de George III.
  4. Francis Chute, le frère d’un de ses amis de Florence. Son élection fut cassée.
  5. En français dans l’original.