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bout tenu hors de sa place en le rappelant à l’ordre. C’était indécent, de la part d’un enfant comme lui, envers un homme de ce rang et de cet âge. Le sang des Fitzroy ne le pardonnera pas aisément[1]. La cour a eu une majorité de 41, y compris quelques nouveaux convertis.

« Mardi, nous avons eu le discours[2]. Il y avait grand désaccord dans le parti. Les jacobites, avec Shippen et lord Noël Somerset à leur tête, étaient pour une division, Pultney[3] et les patriotes étaient contre. Le mauvais succès dans la chambre des lords les avait effrayés. Nous n’avons pas eu de division, mais une très chaude bataille entre sir R. (Walpole) et Pultney. Ce dernier a fait un beau discours, très personnel, sur l’état des affaires. Sir R., avec autant de santé, d’entrain, de force et d’autorité que jamais, lui a répondu pendant une heure. Il a dit qu’il y avait long-temps qu’on l’accusait de toutes nos mauvaises fortunes ; mais avait-il fait naître la guerre d’Allemagne ou voulu la guerre avec l’Espagne ? Avait-il tué le défunt empereur ou le roi de Prusse ? Était-il le conseiller de ce prince ou le premier ministre du roi de Pologne ? Avait-il allumé la guerre entre la Russie et la Suède ? Quant à nos troubles intérieurs, il a dit que toutes les souffrances de la nation étaient dues aux patriotes. À cela ils ont beaucoup ri. Mais avait-il besoin d’en chercher les preuves ? Il a ajouté qu’on parlait beaucoup d’un équilibre des forces dans le parlement et de desseins formés contre lui. S’il en était ainsi, le plus tôt qu’il saurait à quoi s’en tenir serait le mieux ; si donc quelqu’un voulait proposer un jour pour examiner l’état de la nation, la motion aurait son appui. M. Pultney l’a faite aussitôt, sir R. l’a appuyée, et elle est fixée au 21 janvier. Sir R. a répété quelques mots de lord Chesterfield dans la chambre des pairs : que le temps était venu de dire la vérité, la franche vérité, la vérité anglaise, et il a fait quelque allusion à l’accueil que sa seigneurie a reçu en France[4]. Après ces discours d’une telle importance et de tels hommes, M. Lyttleton s’est levé pour défendre ou plutôt pour flatter lord Chesterfield, quoique tout le monde eût déjà oublié que son nom avait été prononcé. Danvers, qui est un grossier et rude animal, mais qui, par-ci par-là, lâche quelques traits piquans, a dit que M. P. et sir R. ressemblaient à deux vieux entremetteurs débauchant les jeunes membres.

« Ce jour a été un jour de triomphe ; mais hier (vendredi) les banderoles de la victoire ne se sont pas si brillamment déployées. C’était le jour où l’on recevait les pétitions. M. Pultney a présenté une énorme bande de parchemin qu’il ne pouvait, disait-il, qu’à peine soulever. C’était la pétition de Westminster, et elle doit être discutée mardi prochain, jour où nous aurons la tête cassée par la populace. Si donc vous n’entendez point parler de moi par le prochain courrier, vous conclurez que ma cervelle est un peu endommagée. Après cela, nous avons passé à une pétition du Cornouailles, présentée par sir William Yonge, laquelle a amené un débat et une division où, ma foi, nous

  1. Charles Fitzroy, second duc de Grafton, était fils d’un lits naturel de Charles II.
  2. Ce qu’on appelait jadis le discours de la couronne.
  3. Walpole écrit ainsi ce nom, qu’on écrit ordinairement Pulteney.
  4. On disait que lord Chesterfield avait fait le voyage de France pour aller à Avignon demander au duc d’Ormond d’obtenir du prétendant le concours absolu des jacobites dans toutes les mesures que prendrait l’opposition contre Walpole.