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aimait et qu’on encourageait dans les dernières années même du régime espagnol, comme le témoignent les peintures assez récentes du chanoine Maëstre, qui décora plusieurs pans de muraille de la cathédrale. Les peintures de Maëstre révèlent un talent facile et élégant ; la couleur en est agréable et le dessin assez correct ; ajoutons qu’elles rappellent cette incomplète tentative de l’Allemand Raphaël Mengs, qui voulut ramener le goût rococo du dernier siècle à des conceptions moins compliquées.

Ce n’était pas Lima seule, c’était le Pérou tout entier qui encourageait les artistes nationaux ou achetait les ouvrages des maîtres étrangers. Des voyageurs nous assurent avoir rencontré à Cusco et dans les endroits reculés du Haut-Pérou, même dans les petites bourgades voisines du lac Titicaca, un grand nombre de toiles remarquables. Un peintre allemand distingué que j’ai rencontré à Lima, M. Rugendas, citait, entre autres, deux tableaux du couvent de Santa-Catalina de Cusco, dont il attribuait l’un au Dominiquin et l’autre à l’Albane. Les villes de l’intérieur et des villages mêmes contiennent surtout des témoignages du goût des Espagnols pour les arts en général et particulièrement pour l’architecture, qui rappelle plus au Pérou qu’en Espagne le style mauresque. L’indifférence des moines pour ces intéressans débris, leur apathie, leur ignorance et leur pauvreté actuelle font qu’ils ne songent d’aucune manière à prévenir la détérioration des tableaux exposés dans les cloîtres. Les tableaux conservés chez les particuliers sont tout aussi négligés ; leurs propriétaires y tiennent seulement par orgueil de caste, ou par tradition, ou quelquefois parce qu’ils sont les derniers vestiges de leur fortune. Il serait fort à désirer qu’on réunît dans un musée ces œuvres éparses ; malgré leur mince mérite, restaurées et convenablement exposées, elles pourraient peut-être concourir à réveiller ; le goût des arts, qui semble inné au Pérou, si l’on en juge par la quantité de fresques et de peintures qui décorent les murailles et les portiques.

Les peintres du pays ne reçoivent aucun encouragement et n’ont aucun moyen de se former à Lima. Nous n’y connaissons qu’une seule classe de dessin élémentaire, dirigée par M. Ignacio Merino, élève de M. Monvoisin. — Quito, devenue la capitale de l’Equateur, est aujourd’hui la seule ville de l’ancienne vice-royauté qui soit restée fidèle aux artistes. Elle possède une école de peinture qu’il ne faut peut-être pas trop prendre au sérieux, mais enfin il y existe, on ne saurait le nier, une bonne volonté de devenir peintre ; malheureusement c’est tout, car le dessin et l’imagination, ces deux qualités essentielles, paraissent manquer aux Quiteños, qui presque toujours copient leurs tableaux sur des gravures. Le coloris nous semble le mérite le moins contesté de leurs productions.