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parlementaire de la Grande-Bretagne cesse d’offrir aucun intérêt. L’avènement même du nouveau roi, George II (1727), ne fut pas une crise sérieuse : il régna ; Walpole gouvernait.

La paix au dehors et la prospérité intérieure, tel était le programme de son administration, et il le réalisa long-temps avec un succès incontesté ; mais il est rare qu’un pouvoir vieillisse sans déclin. L’habitude de réussir l’engourdit ; il s’imagine que, pour être, il suffit d’avoir été ; il s’obstine dans la servile imitation de ses propres exemples, et prend à la longue la routine pour l’expérience. Comme un artiste gâté par des succès devenus faciles, il se néglige ou charge sa manière. Ses défauts s’exagèrent, quand ses qualités ont perdu le prestige de la nouveauté. Les choses et les hommes ont beau changer autour de lui, il ne peut se résoudre à en tenir compte, à consulter les nouveaux besoins qui se produisent, à ménager les nouveaux personnages qui s’élèvent. Tout gouvernement fait des fautes, et toute faute nuit. Avec le temps, la somme de celles qu’on a commises augmente, et peu à peu s’accroît avec elle le montant des griefs, le nombre des mécontens. la force des ennemis. Les ressentimens s’accumulent, les hostilités s’agglomèrent, les prétentions se concertent. Aux rivaux humilies, aux collègues congédiés s’unissent et les opposans systématiques, et les malveillans en permanence, et les novateurs spéculatifs, et les jeunes ambitieux, ces hommes d’état de l’avenir. Ainsi le pouvoir le mieux assis se sent tout à coup chanceler en présence d’une masse d’adversaires conjurés qui s’est formée sous ses yeux, par sa faute et cependant à son insu. Vienne une question favorable, vienne un mouvement d’opinion qui donne à l’armée de l’opposition un cri de guerre et un terrain pour combattre, sa victoire est certaine.

Walpole avait devant lui le bataillon des jacobites, dirigé même de loin par Bolingbroke. Que fait-il ? Il laisse hors du pouvoir son ancien collègue Pulteney, qui bientôt s’entend avec son vieil ennemi. Il avait dans le cabinet deux secrétaires d’état d’une réelle valeur, Carteret et Townshend ; tous les deux lui portent ombrage. Le premier fait place en grondant au duc de Newcastle, qui peut trahir, mais qui ne peut pas résister ; le second est congédié plus tard, après une rupture offensante, et il ne se venge pas ; mais lord Harrington, son successeur, n’apporte ni puissance ni éclat, et le principal ministre semble chercher sa force dans la faiblesse de ses collègues. Cependant aux dangereuses recrues qu’il envoie lui-même à l’opposition déjà formidable, car elle va du jacobite Shippen au républicain Samuel Sandys, viennent .s’unir les jeunes whigs, les enfans, comme il les appelle, et parmi eux brille au premier rang William Pitt avec la verve d’une intempérante éloquence, d’une jeunesse superbe, d’un caractère audacieux, d’une ambition généreuse. — William Pitt, qui avait trop de fougue.