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des plus excellentes inspirations qui pouvaient germer dans le sein de la fabrique lyonnaise. Richement dotée au moyen d’un droit spécial perçu en sa faveur à la Condition des soies[1], et qui forme une sorte d’impôt volontaire payé par le commerce au profit des travailleurs, la société de secours peut, en joignant à cette somme le produit des souscriptions des membres honoraires et le produit des cotisations des membres participans, assurer à ces derniers des avantages tout-à-fait inusités dans les institutions de cette nature. En échange d’un versement de 2 francs par mois pour les hommes et de 1 franc 50 cent, pour les femmes, elle alloue une subvention quotidienne de pareille somme aux ouvriers malades; elle les fait soigner à ses frais chez eux. évitant ainsi de désorganiser la famille. Une somme de 20 francs par an est versée en outre à la caisse nationale des retraites au nom de chaque sociétaire, qui se trouve acquérir, sans nouveaux sacrifices, des droits à une pension[2]. Cette société mutuelle a été la première création de ce genre conçue sur des bases aussi larges. Provenant de l’initiative de la chambre de commerce, qui sait faire en toute circonstance un si bon usage de ses ressources, accueilli favorablement par les fabricans, approuvé par l’autorité locale, le projet de cette association, dont la pensée est à la fois si morale et si politique, dut sa prompte réalisation à un des derniers ministres du commerce. M. Dumas, qui prit soin d’entourer la société naissante d’un intérêt particulier. On savait bien que certaines influences s’efforceraient de dérober à l’œuvre nouvelle l’adhésion effective des ouvriers. Une pensée qui voulait unir le sort de la population laborieuse à une institution officiellement reconnue et rapprocher les uns des autres les divers agens de la production ne devait-elle pas provoquer la jalousie de tous ceux dont les espérances reposaient sur la discorde? On ne pouvait voir, sans y faire obstacle, les épargnes du travailleur prendre une route qui les éloignerait de souscriptions plus ou moins occultes. On représenta donc la société mutuelle comme un piège tendu à la bonne foi des ouvriers, comme un filet dans lequel on aspirait à les envelopper pour mieux les asservir. Cependant, malgré l’impression que devaient produire sur les masses des suggestions pareilles, l’œuvre prospère, et le nombre croissant des souscripteurs semble promettre que la

  1. On sait que la Condition est un établissement destiné à constater le poids spécifique de la soie, indépendamment de l’humidité qu’absorbe si aisément ce produit.
  2. Un membre admis à dix-huit ans recevra, à l’âge de soixante ans, une rente viagère de 468 francs. Il faut dire que le nombre des primes de 20 francs par an est limité par la somme reçue de la Condition des soies et affectée à cette destination ; cette somme varie suivant le chiffre général des recettes de la Condition, mais elle promet d’atteindre 120,000 francs par an; le nombre des sociétaires reste d’ailleurs illimité. Les derniers venus, profitant de tous les autres avantages de l’institution, prendront rang par ordre d’inscription pour recevoir les primes qui viendront à vaquer.