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35,000 dans la fille même ou dans les communes qui viennent d’y être englobées. Pour saisir le rapport de la fabrique de Lyon avec nos autres fabriques de soieries, il convient de savoir que les étoffes de soie pure et celles où la soie domine occupent en France environ 130,000 métiers, qui produisent une valeur d’à peu près 360 millions, dont 180 à 200 millions pour Lyon. L’exportation embrasse la moitié de la fabrication totale, tandis qu’elle absorbe plus des 3/5es de la production lyonnaise, qui trouve ainsi à l’extérieur son marché le plus important. Les principaux pays d’exportation sont les États-Unis d’Amérique, l’Angleterre, le cercle de l’association allemande, la Belgique, l’Espagne, la Russie, le Mexique, l’Italie, la Turquie et le Brésil. Les riches étoffes façonnées et brochées, tout en occupant une large part de l’activité locale, sont loin d’égaler en valeur la masse des tissus ordinaires; elles figurent pour un peu plus du tiers dans les produits exportés. Une concurrence très âpre est organisée au dehors en face de notre industrie nationale. Deux cent trente mille métiers environ battent pour les fabricans étrangers. La Prusse envoie sur les marchés extérieurs les velours et les rubans de velours de Crevelt et d’Elberfeld; la Suisse, les florentines et les petits taffetas de Zurich; la Savoie, les étoffes unies de Faverges; l’Angleterre enfin, les soieries diverses de Paistey, Cowentry, Derby, Macclesfield et Manchester. L’exposition de Londres a mis en relief l’éclatante supériorité de Lyon, qu’assurent les progrès réalisés dans la filature de nos soies, l’incomparable beauté des couleurs préparées par les teintureries lyonnaises, l’habileté de main des tisseurs, le goût exquis des fabricans et l’art avec lequel ces derniers savent approprier les soies de qualités diverses à chaque genre de tissu. Cependant, comme certaines manufactures étrangères ont l’avantage sous le rapport du prix de revient, surtout pour les articles courans, la lutte est souvent très difficile et sujette à de fâcheux retours. Le commerce d’exportation préfère quelquefois le bon marché à cette exécution supérieure qui distingue la cité lyonnaise dans tous les genres.

On a calculé que, dans les étoffes de soie, deux métiers demandaient, tant pour le tissage que pour les opérations accessoires, le concours de cinq personnes, en sorte que les 70,000 métiers de la fabrique de Lyon occupent environ 175,000 individus, dont une moitié est répandue isolément dans un rayon de vingt à vingt-cinq lieues, et l’autre moitié réunie au sein de la seconde ville de France[1]. Le nombreux personnel rassemblé à Lyon se recrute de deux façons, soit héréditairement de père en fils, soit par l’émigration continue de nouveaux travailleurs que les séductions de la ville arrachent à leurs champs

  1. Le nombre des maisons de fabrique à Lyon est d’environ 300; comme quelques-unes ont plusieurs associés, on compte 450 à 500 noms de fabricans.