Page:Revue des Deux Mondes - 1852 - tome 15.djvu/51

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

à se dévouer à lui. Il le jugea presque toujours avec une bienveillance voisine de l’admiration et n’éprouva d’ambition que pour lui. Cette amitié est celle qui honore le plus sa vie et qui répond le mieux aux reproches dirigés quelquefois contre la sécheresse de son cœur. On le voit se refroidir ou rompre avec Gray. avec Bentley, avec le poète Mason, même avec George Montagu. son camarade d’Eton et de Cambridge, auquel devait l’attacher une intimité de trente ou quarante ans. Son caractère avait ses inégalités ; son esprit n’était pas sans ombrages. Pour Conway. Pour tout ce qui le touche, pour sa femme, pour sa fille, il est constamment le même ; il le suit, général ou ministre, avec anxiété dans la carrière, et l’on peut dire qu’après la mémoire de son père, la fortune de Conway fut sa seule passion politique.

En 1734, Horace était entré à l’université de Cambridge, où il avait retrouvé Gray et Montagu. Il poursuivit ses études à King’s Collège : elles n’étaient point finies et il n’avait que vingt ans, lorsqu’il perdit sa mère. Gray, qui écrivait à leur ami commun Richard West le 22 août 1737, interrompt ainsi brusquement sa lettre : « Mais, pendant que je vous écris, j’apprends la triste nouvelle de la mort de lady Walpole. Pardonnez-moi si la pensée de ce que doit ressentir mon pauvre Horace m’oblige à finir. » Il ressentit en effet vivement cette perte, et dix-sept ans après il s’occupait encore d’élever à sa mère, dans Westminster, un monument dont il composait l’inscription. On a déjà vu que ses rapports avec son père n’étaient pas intimes. L’homme d’état méritait parfaitement l’éloge que lady Mary Wortley Montagu lui donne dans des vers sur son portrait ; il était un mari facile. Cependant on a dit qu’il trouvait que le visage de son troisième fils rappelait trop fidèlement les traits d’un lord Hervey. homme d’un esprit remarquable et frère de celui qui fut le rival de pope. « Mon père, dit Horace quelque part, ne montrait aucune partialité pour moi. » Et en effet il ne parut l’apprécier et presque le connaître que dans les dernières années de sa vie, après sa chute éclatante. À peine veuf, il s’était hâté d’épouser la mère d’une fille naturelle qu’il aimait, qu’il parvint plus tard à faire, par décision royale, traiter en fille de comte, et qui devint lady Mary Churchill. Quant au jeune homme, il eut, par une bonne sinécure, les moyens de soutenir son rang et d’aller faire sur le continent le voyage obligé des débutans de sa condition. Le 10 mai 1739, il partit, dans la compagnie de Gray, pour Paris, où il devait retrouver son cousin Conway. Rien n’annonce que cette fois il ait vu autre chose en France que les objets extérieurs et qu’il y ait appris rien de plus qu’à mieux parler la langue. Sa correspondance de cette époque offre peu d’intérêt. Vers la fin de l’été, les deux amis étaient en Italie. Ils visitèrent Rome, Naples, Florence, Venise. Aidé de son compagnon, qui a laissé de ce voyage des lettres et des notes assez intéressantes,