Page:Revue des Deux Mondes - 1852 - tome 15.djvu/50

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les deux genres où la France s’imagine parfois qu’elle est sans rivale. Chez celui qui porta ce nom historique de Walpole, qui en continua et en changea l’illustration, sait-on bien quel fut l’homme du monde, l’homme politique, l’homme de goût, l’homme enfin et sa nature individuelle ? Il nous semble qu’on ne le sait guère et qu’il serait intéressant de chercher à l’apprendre. Cela est facile aujourd’hui. Tout ce qu’il a écrit est, ou bien peu s’en faut, imprimé. Des notices et des notes excellentes ont été attachées à ses œuvres : sir Walter Scott et lord Dover ont écrit sa biographie ; M. Eliot Warburton a, l’année dernière, publié sur lui des mémoires ; M. Macaulay l’a caractérisé dans un de ses brillans et solides essais : nous allons raconter sa vie, ce sera le meilleur moyen de le peindre et de le juger.

Horace Walpole, né à Londres le 24 septembre 1717, était le troisième et plus jeune fils de sir Robert Walpole, le ministre célèbre et contesté qui gouverna vingt-et-un ans la Grande-Bretagne. Sa mère, Catherine Shorter, était petite-fille de sir John Shorter, lord-maire de Londres en 1688, l’année de la révolution. Ses deux frères, lord Walpole et sir Édouard, ne méritèrent jamais que l’histoire parlât d’eux. Cependant il ne paraît pas que son enfance ait beaucoup occupé l’attention de son père. Sa santé était délicate ; sa vie semblait fragile, quoiqu’elle ait duré quatre-vingts ans. Sir Robert était pour ses enfans bon et facile ; mais ses goûts et ses affaires laissaient dans son existence peu de place aux tendres soins d’une inquiète paternité. C’était un homme tout pratique, d’un esprit positif et peu cultivé, gardant toutes ses facultés pour la politique, n’interrompant son travail que par des plaisirs qui paraîtraient aujourd’hui plus dignes d’un gentilhomme campagnard que d’un premier ministre. Il abandonnait donc à sa mère le jeune fils qui conserva toujours pour elle la plus vive tendresse. À dix ans, l’enfant entra à l’école d’Eton, de toute l’Angleterre l’établissement d’instruction secondaire qui ressemble le plus à nos collèges et qui a produit le plus d’hommes distingués. Il y rencontra Thomas Gray, le poète lyrique, qui, de son camarade, devint son ami, et à qui, plus tard, la seule vue d’Eton dans le lointain devait inspirer une ode touchante et célèbre (A distant prospect of Eton collège) ; Richard West, qui mourut jeune et qui annonçait, à les en croire, un talent supérieur pour la poésie ; Thomas Ashton, qui se consacra à l’église et à la prédication. Ils appelèrent l’amitié qu’ils formèrent ensemble la quadruple alliance ; mais elle ne devait pas résister au temps et régner à jamais dans son cœur comme celle qui l’attacha dès l’enfance au fils de la sœur de sa mère, à Henry Seymour Conway, destiné à jouer un rôle distingué dans l’armée et dans le parlement. Condisciple de ce cousin, dont les qualités personnelles étaient attrayantes, il s’habitua de bonne heure, quoique plus âgé de deux ans.