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encore, ses travaux silencieux. Le chef de l’état lui-même s’est retiré à Saint-Cloud, en attendant les voyages et les inaugurations de chemins de fer qu’on annonce. Paris reste en proie à ses trente-cinq degrés de chaleur, qui portent visiblement à l’assoupissement politique et même intellectuel. Quelle gravité ou quelles chances pourraient avoir les conspirations comme celle qui a été récemment découverte par cette température torride? C’est par ce soleil, dira-t-on, qu’on prend la Bastille et qu’on fait la révolution de juillet? Oui, mais la Bastille est prise, si nous ne nous trompons; la révolution de juillet est faite et même défaite. Après les révolutions d’été sont venues les révolutions d’hiver, phénomène infiniment plus étrange, et c’est même parce qu’il s’est succédé tant de révolutions de toutes les saisons, tant de déceptions d’été ou d’hiver, tant d’expériences avortées, que nous voici pour le moment retombés, le soleil de juillet aidant, dans une sorte de stagnation de toute vie politique, dans l’excès de l’allanguissement et du repos.

Or, si pour les opinions qui existent dans un pays il est toujours difficile de se conduire habilement et prudemment dans le mouvement de la vie active et de la lutte, la paix, — une paix du genre de celle qui règne aujourd’hui, — a bien aussi ses difficultés, qui ne sont pas moins réelles, et qui sont peut-être plus immédiates. Le premier des dangers pour une opinion sérieuse qui a eu un rôle militant, quand elle se trouve en face d’une période d’apaisement qu’elle n’a point créée, et dont elle n’a point nécessairement tous les avantages, c’est de tomber dans le ridicule des agitations factices et, qui pis est, inoffensives, de se démener dans le vide, et d’opposer à la réalité le contraste public de ses tiraillemens et de ses directions arbitraires. Tout cela, ce n’est point la vie autant qu’on serait porté à le croire; c’est souvent un travail de dissolution caché sous, les apparences d’un mouvement artificiel. On ne paraît guère se douter aujourd’hui de cette vérité dans une certaine sphère du parti légitimiste où règnent de perpétuels orages intimes. Guerres personnelles, manifestes impératifs, inspirations qui se succèdent et se croisent, diplomatie qui court les journaux et les routes de l’Europe, luttes des choses et des hommes, tel est le spectacle que le parti légitimiste trouve tout simple d’offrir depuis quelques mois au pays, sans doute pour mieux l’édifier et se présenter à lui comme résumant toutes les conditions d’ordre et de pacification. C’est d’abord la grande querelle de M. le duc Des Cars et de M. de Larochejaquelein au sujet de la non moins grande question de la candidature de ce dernier à la présidence de la république, candidature fort compromise, comme on sait, avec tant d’autres choses par le 2 décembre. D’un autre côté, après la lettre de M. le comte de Chambord prescrivant à son parti le refus de serment est venue une autre lettre d’un personnage de confiance plus explicite encore dans le même sens, — à quoi M. le marquis de Pastoret répond avec l’accent d’une tristesse amère, découragée et résignée, en se démettant des fonctions d’administrateur des biens privés de M. le comte de Chambord. Mais ici se révèle un certain côté comique; ici commencent les tribulations des hommes simples du parti, chez qui la poste n’arrive pas tous les jours, à ce qu’il semble, et qui ne reçoivent leurs instructions tout juste que le lendemain du jour où ils ont prêté leur serment. Subitement éclairés, il ne leur reste plus qu’à retirer ce serment et à fuir les conseils municipaux et les