Page:Revue des Deux Mondes - 1852 - tome 15.djvu/399

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dire madame, Mme la Princesse s’en plaignit, et l’autre dut recommencer avec l’addition respectueuse. Un pareil raccommodement ne finissait rien, et quelques jours après la guerre recommença.

Outre la satisfaction qu’elle venait de recevoir, Mme la Princesse avait demandé et obtenu la permission de ne se point trouver en même lieu que la duchesse de Montbazon. A quelque temps de là, Mme de Chevreuse invita la reine à une collation dans le jardin de Renard. Ce jardin était le rendez-vous de la belle société. Il était au bout des Tuileries, avant la porte de la Conférence qui conduisait au Cours, c’est-à-dire à l’angle gauche de la place Louis XV, sur le terrain occupé depuis par deux de ces fossés qui jusqu’à ce jour ont gâté cette magnifique place qu’il serait si aisé de rendre la plus belle de l’Europe. L’été, en revenant du Cours, qui était la promenade du grand monde, et où les beautés du jour faisaient assaut de toilette et d’éclat, ou venait se reposer au jardin de Renard, y prendre des rafraîchissemens, et entendre des sérénades à la manière espagnole. La reine se plaisait fort à s’y promener dans les belles soirées d’été. Elle voulut que Mme la Princesse y vînt avec elle partager la collation que lui offrait Mme de Chevreuse, l’assurant bien que Mme de Montbazon n’y serait pas; mais celle-ci y était, et prétendait même faire les honneurs de la collation comme belle-mère de celle qui la donnait. Mme la Princesse feignit de vouloir se retirer pour ne pas troubler la fête; la reine ne pouvait pas ne la point retenir, puisqu’elle était venue sur sa parole. Elle fit donc prier Mme de Montbazon de faire semblant de se trouver mal et de s’en aller pour la tirer d’embarras. La hautaine duchesse ne consentit pas à fuir devant son ennemie, et elle demeura. La reine offensée refusa la collation et quitta la promenade avec Mme la Princesse. Le lendemain, un ordre du roi enjoignait à Mme de Montbazon de sortir de Paris.

Cette disgrâce déclarée irrita les importans. Ils se crurent humiliés et affaiblis, et il n’y eut pas de violences et d’extrémités qu’ils ne rêvèrent. Le duc de Beaufort, frappé à la fois dans son crédit et dans ses amours, jeta les hauts cris, et le bruit courut qu’il y avait eu un complot pour assassiner Mazarin[1]. Dans ces conjonctures, le cardinal se montra le digne héritier de Richelieu. Quoiqu’il demandât surtout ses succès à la patience, à l’habileté et à l’intrigue, il n’était pas dépourvu de courage, et il sut prendre son parti. Il était déjà assez bien avec la reine, et il commençait à lui paraître nécessaire, ou du moins fort utile. Il lui représenta doucement, mais fortement, ce qu’elle devait à l’état et à l’autorité royale menacée; qu’il fallait préférer l’intérêt de son fils et de sa couronne à des amitiés convenables

  1. Voyez les Mémoires du temps, et surtout ceux de Campion.