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d’autres moyens pour y réussir. Le beau cardinal réussit donc. Une fois maître du cœur, il dirigea aisément l’esprit de la reine, et lui enseigna l’art difficile de poursuivre toujours le même but, la suprématie de l’autorité royale, à l’aide des conduites les plus diverses, selon la diversité des circonstances. Dans le commencement, tout son effort fut de se maintenir et d’écarter les importans. On appelait ainsi les chefs des mécontens, à cause des airs d’importance qu’ils se donnaient, blâmant à tort et à travers toutes les mesures du gouvernement, affectant une sorte de mélancolie, de profondeur et de sublimité quintessenciée, qui les séparait des autres hommes. Ils régnaient dans les salons, et ils exerçaient une autorité considérable à la cour et dans tout le royaume, parce qu’ils avaient à leur tête les deux grandes maisons de Vendôme et de Lorraine.

Le duc de Beaufort, l’aîné des enfans du duc de Vendôme, était alors le vrai représentant de sa maison. Il portait fièrement le nom de petit-fils de Henri IV; il avait de la bravoure et de l’honneur. Pendant les plus mauvais jours, il avait montré une fidélité chevaleresque à la reine, qui, avant d’avoir apprécié Mazarin, penchait fort de son côté, et il l’eût peut-être emporté s’il n’eût gâté ses affaires par des prétentions excessives et une hauteur bien peu habile avec une Espagnole, qu’il fallait flatter long-temps avant de la gouverner. Il n’avait d’ailleurs aucun génie, et il eût échoué d’une façon misérable au premier rang : il n’était fait que pour le rôle qu’il a joué depuis, celui d’un héros de théâtre.

La maison de Guise épuisée ne possédait en ce moment aucun homme supérieur. Long-temps exilée, elle avait perdu en Italie son chef, Charles de Lorraine, en 1640, et, en 1639, le prince de Joinville, auquel on avait autrefois songé pour Mlle de Bourbon. A la mort de ce prince, celui de ses frères qui venait après lui était cet Henri de Guise, d’abord archevêque de Reims, puis duc de Guise, si célèbre par ses aventures, sa bravoure et sa légèreté, qui eut toutes les ambitions, forma toutes les entreprises, et ne réussit à rien, pas même à être un héros de roman, quoi qu’on ait dit. Voyez en effet, je vous prie, si c’est ici la vie d’un chevalier, d’un de nos anciens paladins, comme l’appelle Mme de Motteville[1], et s’il fit l’amour comme dans les romans, ainsi que le prétend Mademoiselle[2]. Après la mort de son père et de son frère aîné, il fait sa paix avec Richelieu et revient à la cour; un an à peine écoulé, il conspire contre Richelieu avec le comte de Soissons, et il est forcé de quitter la France. Pendant qu’il était archevêque de Reims, il s’était épris de la belle Anne de Gonzague, depuis la princesse palatine;

  1. Mémoires, t. II, p. 108.
  2. Mémoires, t. Ier, p. 231.