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à un pécheur pour que tous deux nous implorions ensemble la miséricorde céleste.

— Devant l’église s’est présenté… Je n’ose poursuivre.

— Poursuis sans crainte. Est-ce un voleur ou un meurtrier ? Tout homme créé à l’image de Dieu doit être accueilli à l’ombre du sanctuaire, même les plus criminels, afin qu’échappant à la mort terrestre, ils aient le temps de se repentir et d’échapper à la mort éternelle.

— Mais ce n’est pas seulement un voleur ou un meurtrier ; c’est bien plus, c’est le prêtre arien Mélèce, celui qui ose t’appeler hérétique, ainsi que tous les évêques de la confession du bienheureux Athanase. On l’a apporté devant l’église sur une civière, dévoré par la fièvre et demandant à être reçu dans l’hospice… J’ai hésité ; mais il est vieux, il souffrait beaucoup… Bien qu’il soit un réprouvé, sa pâleur faisait peine à voir… Ton front s’est couvert d’un nuage ; tu vas me condamner… Oh ! pardonne. J’ai péché sans doute. J’aurais dû le repousser, je n’en ai pas eu le courage.

— Oui, je m’indigne en effet, reprit l’évêque d’un ton sévère, que ma sœur ait hésité à recevoir notre frère Mélèce dans l’asile ouvert à tous ceux qui souffrent, ariens ou catholiques, chrétiens ou païens, romains ou barbares ; Mélèce est assez malheureux de fermer les yeux à la lumière. À Dieu il appartient de le juger et à nous de le secourir. — Mais j’ai tort de l’adresser cette réprimande, reprit doucement Maxime, puisque, malgré ton erreur, tu as agi selon la charité.

Priscilla regarda Maxime avec une tendre admiration. Maxime continua ainsi : — Quand crois-tu pouvoir porter quelques paroles de consolation et d’encouragement à notre pauvre Hilda ?

— Une fois chaque semaine, elle va de grand matin dans une partie éloignée du prœdium, là où sont les étables des brebis, chercher la laine qu’elle doit filer. Ce jour, j’ai coutume de me trouver dans le petit bois qui est derrière la chapelle des Secundinus ; j’échange avec Hilda quelques mots rapides, je lui porte tes bénédictions et tes avis, elle m’apprend ce qu’elle a fait pour gagner à Dieu les âmes de ses compagnons d’esclavage. Il ne se passe presque point de semaine sans que l’un d’entre eux ait été touché par sa parole.

— Que le Seigneur veille sur toi dès le matin, sœur chérie ! dit affectueusement Maxime. Maintenant il y a un nouvel hôte dans la demeure des Secundinus ; Hilda a besoin de nouveaux avertissemens contre celui qui peut être un ennemi plus dangereux que Capito. D’après quelques mots que m’a dits ce jeune homme, il me paraît, comme beaucoup d’autres, admirer la religion chrétienne sans y croire et sans la pratiquer ; du moins n’a-t-il pas d’antipathie contre elle comme Macer, ni cette passion frivole pour les lettres profanes qui rend le pauvre Capito incapable d’une réflexion sérieuse. Je ne désespère pas