Page:Revue des Deux Mondes - 1852 - tome 15.djvu/33

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qu’il avait mis ses serviteurs dans une situation où ils pouvaient protéger les misérables esclaves en se faisant craindre de leurs maîtres, et peut-être le sentiment de son triomphe sur le duumvir mêlait-il à son insu quelque peu de satisfaction terrestre aux actions de grâces sincères et désintéressées qu’il rendait au Tout-Puissant.

De temps en temps, la litière qui le portait se détournait par son ordre de la grande voie qui conduisait à Trêves, et s’arrêtait à l’entrée d’un village, près d’une chaumière isolée, parfois devant un poste militaire situé dans un lieu sauvage : c’est qu’il y avait là quelque indigent ou quelque malade à visiter, quelque catéchumène à fortifier dans la foi. Après de courtes paroles pleines d’onction et de charité, le bon évêque reprenait sa route, et, rafraîchi par le bien qu’il venait de faire, lisait avec de pures délices un discours de saint Jean Chrysostome, un traité de saint Ambroise, des vers pieux de Sedulius, ou bien il cherchait le texte sur lequel il improviserait familièrement une homélie dans la prochaine assemblée des fidèles. Tout en se livrant à ces réflexions, Maxime était arrivé à la porte de sa demeure, située derrière l’église cathédrale de la ville de Trêves. Cette demeure, d’une étendue considérable, était divisée en deux parties : dans l’une, l’évêque habitait au milieu de son clergé et de jeunes enfans voués à la prêtrise, qui, avec les chantres, formaient l’école ; dans l’autre, Priscilla vivait retirée avec quelques saintes veuves et quelques chastes vierges. Les deux portions de cette petite confrérie quasi-monastique se réunissaient dans l’église pour prier, mais à des places différentes, selon l’usage de ces temps.

Quand Maxime arriva près du portail de la basilique, les chants du soir achevaient de mourir sous les voûtes. Il traversa le temple magnifique que soutenaient des colonnes gigantesques de marbre africain données par l’impératrice Hélène, et dont on admire encore aujourd’hui les débris. Maxime se prosterna devant l’autel, éclairé faiblement par une lampe comme suspendue aux ténèbres qui montaient jusqu’au faîte de la basilique. Après avoir rendu grâces à Dieu dans une courte prière d’avoir protégé, par l’entremise de son serviteur, une pauvre chrétienne fidèle à sa foi dans les fers, il s’achemina vers la cellule de Priscilla.

Priscilla était en oraison quand Maxime entra ; elle ne leva point les yeux, ne détourna point la tête ; seulement on eût connu au mouvement plus précipité de ses lèvres qu’elle priait avec plus de ferveur en le sentant près d’elle. Maxime se mit à genoux à côté de sa pieuse compagne, et tous deux restèrent long-temps ainsi, unissant leurs âmes dans leur prière fraternelle et dans le sentiment commun de la présence de Dieu. Puis ils se levèrent et se saluèrent mutuellement d’un regard plein de chaste amour et d’unanime espérance. Ensuite,