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son caractère et de sa race, lui avait offert brusquement de venir dans sa cabane pour y être l’épouse du chef de leur tribu, de celui qui, comme elle, avait dans les veines du sang de Marcomir. Hilda lui avait répondu : — Gundiok, tu es le dernier rejeton de ma famille, et ta sœur Hilda désire ardemment pour toi le plus grand des biens ; le jour où elle te verrait, fier Sicambre, courber docilement la tête sous le joug glorieux de la foi chrétienne, elle rendrait de ferventes actions de grâces au Dieu qui aurait touché ton cœur ; mais elle ne songe point à s’unir, par une alliance illustre, au noble chef de sa tribu : elle ne veut être que la fiancée du Christ. — Hilda était sincère en parlant ainsi, nulle pensée d’union terrestre n’était encore entrée dans son ame virginale. En même temps l’affection qu’elle éprouvait pour Lucius, et dont elle n’avait pas démêlé le caractère, l’éloignait de tout projet pareil, et lui faisait croire qu’elle passerait sa vie uniquement vouée à Dieu.

L’amour et la fierté sauvage de Gundiok avaient été blessés profondément du refus d’Hilda, et, depuis cet entretien, il avait évité sa présence ; seulement elle avait cru s’apercevoir qu’il épiait de loin ses pas, et, le jour où elle se rendait près de Lucius, elle avait rencontré le jeune chef avec Bléda. Tous deux s’étaient éloignés en la voyant paraître, mais elle avait cru entendre comme un sourd rugissement de colère s’échapper de la poitrine de Gundiok.

Dans cette situation, qui l’effrayait vaguement pour Lucius, il lui sembla que cette fuite qu’il lui proposait était un moyen indiqué par la Providence pour le sauver des dangers qui le pouvaient menacer, et cette idée, qui s’empara vivement de son esprit, put seule la décider à s’éloigner des siens avant que leur conversion fût plus avancée. Elle se dit que la jalousie de Gundiok et la haine de Bléda seraient des obstacles puissans à sa prédication évangélique, et pourraient peut-être compromettre le succès qu’elle avait déjà obtenu. Tout cela n’était que trop vraisemblable, et d’ailleurs elle avait besoin de croire qu’il en était ainsi pour pouvoir écouter Lucius sans remords. Elle céda donc à ces réflexions, et consentit à partir avec lui, se confiant en Dieu et le priant intérieurement d’achever l’œuvre commencée par elle. La joie que Lucius fit éclater à ses pieds, quand il eut entendu sa réponse, acheva de lui ôter toute incertitude.

Dès-lors il ne fut plus question entre eux que d’assurer leur évasion et de vaincre les difficultés qu’elle présentait. Une fois décidée, Hilda, appelant à son secours les ressources que lui fournissait sa connaissance des lieux et de la vie barbare, forma tout le plan de la fuite et indiqua à Lucius toutes les mesures qui pouvaient l’assurer. Elle éprouvait un indicible bonheur à conduire l’œuvre de cette délivrance, et lui n’était pas moins heureux d’être délivré par Hilda, de sentir