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était offerte par la seule personne qui pût mettre à sa disposition les trésors dont elle était privée. Après avoir prié Dieu de pardonner et de bénir le moyen étrange qu’elle employait pour arriver à une pieuse fin, elle s’ouvrit à Priscilla, et, dans une des rares et courtes entrevues qu’elle avait avec cette sainte femme, elle lui confia la proposition de Capito. Celle-ci consulta Maxime. Maxime hésita d’abord, car il se défiait des rapports que les maîtres corrompus tentaient d’établir avec leurs belles esclaves ; mais il fut bientôt rassuré par la pureté candide de l’écolière, il crut peu chrétien de supposer un motif criminel à ce qui pouvait être une offre charitable. Enfin, pour se décider, il fit ce qu’on faisait souvent dans la primitive église, il consulta la volonté divine en ouvrant une Bible au hasard, et, la réponse du livre sacré s’étant trouvée miraculeusement favorable, il permit à Hilda de faire servir à son édification ce qu’il jugeait une rencontre préparée par Dieu lui-même, se réservant dans sa prudence d’avertir la jeune fille du danger, si le danger se présentait. L’église en ces temps était accoutumée à employer de pieux et irréprochables artifices pour la propagation de la foi. D’ailleurs les desseins de Dieu pouvaient-ils être sondés ? Peut-être la jeune esclave gagnerait à la foi le vieux rhéteur, et lui donnerait en échange de la science mondaine la science céleste que possèdent les enfans.

Maxime avait fait remettre à Hilda une Bible qu’elle avait cachée soigneusement. Quand elle était seule, elle s’efforçait avec une incroyable ardeur d’en épeler les divines paroles, à l’aide des leçons que Capito lui donnait dans une intention profane. Le vieux rhéteur n’était cependant pas le seul qui eût été sensible à la beauté d’Hilda. Parmi ses compagnons d’esclavage, il en était un, le plus dégradé et le plus hideux, à qui cette beauté si pure avait inspiré une passion violente : le sanglier difforme cherche les courans les plus limpides. Un homme de la race des Huns, dont le père avait été un des plus vaillans chefs d’Attila, brûlait d’un feu aussi sombre que son ame pour la charmante fille des Francs. Averti de sa laideur par les railleries des autres captives, il ressentait pour Hilda un amour plein de rage et de honte. L’expression du malheur empreinte sur ce front abject avait inspiré à la chrétienne une compassion à laquelle sa charité se reprochait de mêler une horreur involontaire. Elle avait fait effort pour s’approcher de Bléda et lui adresser quelques paroles consolantes. Cette bienveillance, dont il ne pouvait comprendre le motif, l’avait enflammé d’un fol espoir. Frappée d’une clarté soudaine en contemplant les éclairs de ses yeux, Hilda avait reculé, comme on recule au moment de marcher sur un animal immonde, et elle n’avait pu cacher le dégoût que le monstre lui inspirait. Il avait compris ce mouvement de l’ame d’Hilda, et depuis ce moment à la passion