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type primitif, que les rejetons d’une même souche, que les variétés d’un même peuple.

C’est à ces populations malaises, supérieures sans contredit aux nègres de l’Afrique et de la Papouasie, inférieures aux Européens et aux Mongols, que l’Espagne a fait subir l’empire de ses croyances religieuses, la Hollande l’ascendant de sa politique et la puissance de ses armes. L’abolition de la traite et l’affranchissement graduel des esclaves ont accru depuis 1815 l’importance de ces possessions asiatiques. La production des denrées tropicales tend à se concentrer dans les colonies situées à l’est du cap de Bonne-Espérance. Quant aux Philippines, si elles n’ont point profité au même degré que les îles de la Sonde du déplacement d’intérêts opéré par la politique anglaise, c’est que la Hollande et l’Espagne n’ont point reçu du ciel le même génie en partage. Ces deux puissances n’ont pas non plus rencontré dans la Malaisie des conditions complètement identiques. La population des Philippines, quand les Espagnols y débarquèrent, était idolâtre : elle était à peine sortie des limbes de la vie sauvage et ne connaissait d’autres liens sociaux que ceux de la tribu. Les brahmes et les Arabes avaient déjà apporté aux Javanais le bienfait de leur civilisation. Il eût été aussi difficile d’asservir la population de Luçon au travail que de conquérir les mahométans de Java aux doctrines évangéliques. La Providence sembla diriger à dessein les compatriotes de Las-Casas et de Fernand Cortez vers le point où il y avait un peuple à convertir, les marchands des Provinces-Unies vers celui où il y avait une organisation despotique à exploiter.

Plus d’une fois pendant notre séjour à Macao, nous avions entendu opposer les possessions espagnoles aux Indes néerlandaises. Dans les premières, la conquête semblait se justifier par le sort qu’elle avait fait aux imputations indigènes ; dans les secondes, par l’habile direction qu’elle avait imprimée au travail de la race malaise. Nous savions cependant que ces deux politiques nées d’inspirations contraires et servies par des circonstances différentes n’avaient échappé ni l’une ni l’autre à la critique. On reprochait à la Hollande d’avoir été entraînée par ses besoins et par ses tendances positives au-delà des limites d’une sage exploitation. On se plaignait que l’Espagne, au détriment de la société européenne, eût été pour les Indiens des Philippines une mère trop faible et trop indulgente. Quelque fondé que pût être ce double reproche, ils semblait néanmoins difficile que la condamnation des tendances débonnaires de l’Espagne n’impliquât point dans une certaine mesure la justification du système opposé. Il importait donc de ne pénétrer dans les Indes néerlandaises que préparé par l’étude attentive des colonies espagnoles. Telle fut aussi la marche que nous suivîmes. Ce ne fut qu’après diverses stations sur la rade de Manille que