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de satyres, qui semblaient connaître et promettaient de servir tous les vices ; ailleurs, à côté d’un groupe de vieux cultivateurs aux cheveux rares et blanchis, aux mains ridées et tremblantes, et dont l’âge avait voûté le dos, se montraient quelques beaux adolescens aux chevelures longues et parfumées, destinés à remplir les coupes durant les festins. Parmi cette multitude, il y avait encore des Syriens brunis par le soleil, des Ibères prompts à la course, des Goths aux yeux bleus, des Alains aux cheveux roux, des Taifales et des Huns à la tête hideuse.

Cette cohue de tout âge, de toute forme, de toute race, se pressait dans les cours, se couchait sous les portiques, ou s’entassait confusément dans les salles destinées aux occupations champêtres, tandis que les intendans promenaient sur elle un regard rapide et sévère, et que les porte-fouets faisaient retentir le bruit des courroies toujours prêtes à frapper. Pour que l’étalage de toute cette portion de l’immeuble fût complet, on amena deux troupes tirées des retraites ténébreuses où elles étaient reléguées ; c’étaient les esclaves condamnés à tourner la meule et les habitans enchaînés de l’ergastulum. Ces malheureux, à peine vêtus de quelques lambeaux dégoûtans, la tête rasée, le corps sillonné de coups, le visage couvert de marques imprimées par le feu, s’avancèrent deux à deux, se traînant avec peine à cause des entraves, et les yeux clignotant à la lumière inaccoutumée. On les coucha le long d’un mur, comme lorsqu’ils étaient à vendre sur le marché, étendus chacun dans sa cage de fer, pour être visités par l’acheteur et maniés jusqu’au dégoût.

Parmi ce grand nombre d’esclaves rassemblés, il y avait, comme c’était l’ordinaire, peu de femmes en proportion de la quantité des hommes. Quelques-unes se montraient çà et là auprès de ceux qui étaient leurs époux pour tout le temps qu’il plairait au maître de ne pas les séparer d’elles, tenant dans leurs bras les enfans auxquels elles avaient donné la vie, et qui ne leur appartenaient pas.

Dans l’atrium, au milieu d’un groupe de fileuses assises à terre sous un portique, se dessinaient entre deux colonnes de marbre blanc la haute stature, la taille élancée, le col de neige, le visage doux et sérieux d’une jeune Barbare : c’était une captive franque enlevée à ses forêts après l’égorgement de toute sa famille. Vendue par un marchand d’esclaves à Secundinus, Hilda avait d’abord refusé toute nourriture, comme un animal sauvage pris au piège. Les mauvais traitemens n’ayant rien pu sur elle, l’intendant, de crainte que la jeune fille ne mourût entre ses mains et que son maître ne lui reprochât le dommage de cette perte, avait souffert qu’une femme chrétienne pénétrât en secret jusqu’à elle pour la déterminer à supporter la vie. Cette femme était la pieuse Priscilla, qui, — après avoir été la fidèle épouse de Maxime, maintenant évêque de Trêves, alors qu’il vivait