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raison à une remarque de Walter Scott : c’est qu’il serait difficile de dresser, par aucun procédé ou principe de division, une liste de pareil nombre d’auteurs plébéiens qui en contînt aussi peu dont le génie fût digne de quelque souvenir.

Walpole fut mieux inspiré dans le choix d’un autre sujet d’ouvrage qui tient cependant aussi du catalogue. Un graveur de Londres, George Vertue, qui consacrait son burin à la reproduction de l’œuvre des maîtres de la peinture anglaise, avait eu l’idée d’écrire leur histoire, ou tout au moins un catalogue critique de leurs tableaux. Il ne manquait pas d’instruction, et il avait passé beaucoup de temps à recueillir des documens ; mais il était mort avant de commencer, et Walpole avait acheté tous ses papiers à sa veuve. Le sujet rentrait dans ses études. Il s’agissait d’art et de souvenirs. Il mit en ordre tous ces matériaux, les compléta par ses propres recherches, rédigea de nouveau toutes les notes laissées par Vertue, et fit, sous le titre modeste de Anecdots of painting, une histoire de la peinture en Angleterre (1762). La contrée, il en convient, a produit peu de bons artistes, et c’est pour cette raison que leur histoire ne mérite que le titre d’anecdotes ; mais peut-être, en composant leur biographie, en jugeant leurs talens, éveillera-t-il le goût d’un siècle qui devrait être favorable aux arts. Il leur manque les encouragemens du public, l’enthousiasme de la foule, une destination nationale, et c’est pour essayer de leur gagner tout cela que l’auteur écrit. L’ouvrage dénote d’attentives recherches et un goût exercé. On doit remarquer les premiers chapitres sur les origines de la peinture moderne et les articles consacrés à Holbein, à Rubens, à Van Dyck, à Inigo Jones, à sir Peter Lily, à Wren, à Kneller, à Hogarth, car il mêle les architectes aux peintres. En effet, tous les arts du dessin se tiennent. Aussi, cherchant toujours à compléter un livre qu’il corrigea sans cesse, il y ajouta par la suite un dernier volume sur la gravure, et dès le principe il y avait inséré un chapitre étendu sur l’histoire de l’art des jardins modernes. C’est là qu’on trouve ce trait souvent cité : « Quand un Français par le du jardin d’Éden, il pense à Versailles. »

De pareils travaux n’arrachaient pas Walpole à la vie du monde ; ils entretenaient au contraire son esprit des idées qui devaient faire le fond de ses conversations. On en peut juger par ce qu’il écrit à ses correspondans. Montagu, vivant beaucoup à la campagne, se connaissait en parcs et en beaux châteaux. John Chute s’entendait aux arts, et son opinion était comptée, quand il fallait juger d’un bâtiment ou d’un portrait, d’un monument historique ou du dessin d’un candélabre. Gray était devenu un poète éminent, mais il étudiait assidûment l’histoire dans les monumens autant que dans les livres. Bentley, fils du savant célèbre, avec une érudition héréditaire, unissait un certain