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d’anciens châteaux ou à de vieux monastères, armures, lampes, vitraux, il mêlait tout avec des escaliers, des cheminées, des fenêtres, des plafonds qu’il faisait dessiner par des artistes modernes, et il formait un assemblage incohérent de styles et de genres où se disputaient, confondus, le factice et le réel. À côté des objets d’un art véritable que sir Horace Mann lui envoyait de Florence, à côté des tableaux d’Holbein ou de Van Dyck, des bronzes de Cellini, des émaux de Petitot, il accumulait des curiosités de bric-à-brac et toutes ces raretés vulgaires qu’on recherche encore aujourd’hui, et qui me semblent plus faites pour une boutique que pour un musée.


« On pourra, dit-il dans la préface de son ouvrage sur Strawberry, trouver un plaisir d’un moment dans la lecture de ce catalogue. À d’autres il procurera une autre sorte de satisfaction, celle de la critique. Dans une maison qui non-seulement affecte une architecture surannée, mais qui prétend à l’observation du costume jusque dans l’ameublement, le mélange des portraits modernes, de la porcelaine française et de la sculpture grecque et romaine peut paraître hétérogène ; mais, en vérité, je n’ai pas entendu faire une maison gothique au point d’en exclure la commodité et les raffinemens actuels du luxe. Le dessin de l’intérieur et de l’extérieur est strictement ancien, mais les décorations sont modernes. C’est le vers de pope :

Gothique Vatican de la Grèce et de Rome.


Nos ancêtres n’auraient-il pas, avant la réformation de l’architecture, déposé dans leurs sombres châteaux d’antiques statues et de beaux tableaux, des vases de prix et des porcelaines d’ornement, s’ils en avaient possédé ? Mais je ne prétends pas défendre par des argumens une maison de fantaisie ; elle a été bâtie pour satisfaire mon goût et, dans une certaine mesure, pour réaliser mes propres visions. J’ai décrit ce qu’elle contient ; si je pouvais décrire la riante, mais tranquille scène où elle est placée, et ajouter la beauté du paysage au caractère romantique du manoir, ce tableau ferait naître des sensations plus agréables qu’une sèche nomenclature de curiosités. »


Quoi qu’il en soit, Strawberry-Hill devint la passion de son maître. Il fit bientôt à ce lieu favori une renommée qui le mit à la mode. Non-seulement il y recevait des amis, des voisins, notamment Kitty Clive, une actrice célèbre et spirituelle, qui habitait Twickenham, et pour laquelle il eut, dit-on, un penchant un peu plus vif que le goût de l’esprit et du talent ; mais les beautés en vogue, des orateurs célèbres, des étrangers de distinction, surtout des femmes françaises auxquelles il adressait des madrigaux et dont il se moquait dans ses lettres, venaient faire à Strawberry des parties de curiosité et de conversation.

C’est là qu’il concentra tous ses goûts. Il animait ce séjour par la diversité des études et des plaisirs. Un des premiers qu’il se donna fut d’y établir une imprimerie. Il n’imprimait pas lui-même, mais il regardait faire. De sa presse sont sortis quelques ouvrages tirés à peu