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cette inconcevable politique, lord Malmesbury déclare qu’il est très occupé, qu’il ne peut penser à tout, et qu’il ne savait pas, avant d’y avoir participé, quelle chose difficile est le gouvernement. Singulière explication et comme aucun ministre anglais n’en avait encore donné ! Mais nous sommes de l’avis de lord Malmesbury, cette affaire, ainsi que les autres du même genre, commencent à fatiguer le public. Enfin sir Henri Bulwer est venu fort à propos pour arranger l’affaire ; tant mieux, et puissions-nous ne plus entendre parler de pareils incidens, qui, trop fréquemment renouvelés, finiraient par compromettre la paix du monde, et par amasser contre l’Angleterre (que son gouvernement y songe) une nuée de griefs, qui nécessairement entraîneraient des orages !

Les signes de tempêtes futures ou même prochaines ne manquent pas d’ailleurs en Angleterre. Que veulent donc dire les nouvelles rigueurs exercées contre les catholiques ? Lord Derby, après ses rétractations et celles de M. Disraéli à l’endroit du libre-échange, voudrait-il donc faire les élections en s’appuyant sur les passions populaires et le fanatisme religieux réveillés dans ces dernières années. Les fureurs religieuses recommencent ; nous ne voyons guère que sir Robert Inglis qui puisse s’en féliciter. Les deux religions catholique et protestante se regardent d’une manière menaçante, et leur colère mutuelle croît d’heure en heure. En Irlande, l’agitation catholique, qui ne manque pas de se ranimer à l’approche des élections, se réveille, plus forte que jamais, sous l’impulsion d’un clergé mécontent des mesures adoptées l’an dernier contre ses fidèles. En Angleterre, le ton des journaux, même du Times, l’organe le plus modéré pourtant de la Grande-Bretagne, devient de plus en plus insultant ; le parlement a occupé les dernières heures qui lui restaient à agiter l’affaire de M. Bennett, exclu du vicariat de Frome par l’évêque de Bath, sous prétexte de puseyisme, de pratiques et de sympathies papistes ; la reine lance des proclamations pour interdire les processions catholiques. Sommes-nous donc à la veille de voir effacer le bill d’émancipation ? Tel est l’état actuel des choses. Ce parlement qui s’était réuni en pleine tranquillité se sépare au milieu de l’agitation.

En Allemagne, l’incident le plus remarquable de cette dernière quinzaine est le voyage de l’empereur d’Autriche en Hongrie. François-Joseph avait parcouru successivement la plupart des grandes provinces de ses états, et s’était montré tour à tour aux Italiens et aux Polonais de la Galicie ; il a voulu aussi visiter la contrée la plus cruellement éprouvée par les événemens des dernières années ; il a désiré connaître par ses yeux les sentimens de cette Hongrie qui a failli être si funeste à l’empire. Au moment même où le jeune souverain allait entreprendre ce voyage d’exploration parmi des populations hier encore armées contre lui, l’empereur de Russie, rentré dans ses états à la suite de son excursion en Allemagne, recourait à une mesure qui attestait l’opiniâtreté des Polonais dans le système d’abstention qu’ils pratiquent depuis si long-temps envers le gouvernement russe. Le tzar publiait un oukase pour enjoindre à la jeune noblesse polonaise de prendre à l’avenir du service sous peine de s’y voir contrainte. L’empereur d’Autriche n’allait-il pas de son côté, en parcourant la Hongrie, rencontrer sinon des sentimens hostiles, au moins une froide réserve ? Le craindre, c’eût été peu connaître le caractère