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née et les diverses lignes secondaires qui doivent, en se reliant, sillonner cette portion du midi. Ainsi se complète par degrés l’immense réseau dans lequel la France se trouvera bientôt enveloppée, et qui contribuera, il faut le croire, au développement de tous les intérêts. Si vous ajoutez à ces divers actes le projet destiné à régler l’organisation des conseils-généraux, ce sont là quelques-uns des principaux objets sur lesquels le corps législatif a eu à porter son attention jusqu’à la dernière heure de la session.

Mais, quel que soit l’intérêt qui puisse s’attacher à ces derniers travaux législatifs, quelque place qu’ils occupent légitimement dans l’ordre administratif, économique, financier, matériel, ce n’est point là peut-être que s’est portée la curiosité la plus vive. Si quelque chose était fait pour étonner, ce serait qu’il pût entrer dans la pensée de qui que ce fût de suspendre tout à coup et complètement la discussion dans un pays comme le nôtre. L’esprit de discussion ne quitte point ce monde, tout au plus se transforme-t-il et se met-il à la recherche d’alimens nouveaux. Il n’a plus le domaine purement politique, il lui reste le domaine moral, philosophique, théorique, et prenez bien garde que plus que jamais, comme quelque derviche hurleur, il ne continue à pirouetter sur la pointe de l’absolu. Les questions de changement de systèmes ou de personnes deviennent pour lui un cas réservé, — il ira réveiller quelque question de science, de littérature, d’enseignement propre à ranimer la lutte et à marquer le sens dans lequel marche l’intelligence publique. Telle est, sans nul doute, la discussion soulevée par M. l’abbé Gaume dans un livre, — le Ver rongeur, — dont nous avons dit un mot. La pensée de l’auteur, on ne l’a pu oublier, c’est que le monde moderne est redevenu païen par l’étude des Grecs et des Latins qui forme la base de l’enseignement, c’est que les sociétés contemporaines doivent le mal qui les ronge au culte de l’antiquité classique que la renaissance est venue remettre en honneur au détriment de ce que M. l’abbé Gaume appelle la littérature classique chrétienne du moyen-âge. Depuis lors, la controverse s’est singulièrement agrandie et même aggravée, dirons-nous. La polémique quotidienne, en s’en emparant, lui a communiqué ses ardeurs ; l’intervention de quelques-uns des plus éminens prélats est venue lui prêter une importance qu’elle n’aurait point eue peut-être. Le Ver rongeur a eu en effet ses approbateurs et ses contradicteurs dans l’église. M. l’abbé Gaume, aujourd’hui encore, poursuit ses agressions dans une série de lettres adressées à M. l’évêque d’Orléans, qui avait défendu les études classiques avec un remarquable esprit de modération et de justice. Joignez à tout ceci, au fond, comme élément essentiel, le problème tout entier de l’éducation publique remis en question dans ce qu’il a de plus intime et de plus délicat ; — cela ne suffit-il pas pour faire de cette controverse un des épisodes les plus curieux, les plus bizarres peut-être, mais aussi les plus graves du moment où nous vivons ? Nous n’avons point le dessein de l’éluder. Qu’on nous permette toutefois une double observation préalable. Jusqu’à quel point est-il utile de faire intervenir la religion au plus fort de ces mêlées de la plume ? jusqu’à quel point est-il nécessaire que les chefs les plus élevés de l’église se saisissent de l’arme des polémistes quotidiens ? Ce n’est point à nous de le dire ; il en résulte seulement un fait du domaine public : c’est que, quand les évêques se font journalistes, les jour-