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trouvé un général dans l’Equateur, le général Urbina, qui a fait une révolution dans le sens démocratique, s’est emparé du président légal et s’est institué lui-même chef suprême de l’état. Les hostilités avec la Nouvelle-Grenade ont cessé, et la démagogie a fait un pas de plus dans l’Amérique du Sud en allant s’installer à Quito, où elle règne aujourd’hui, se combinant, selon l’habitude, avec une remarquable dose de despotisme militaire. C’est dans ces conditions que le général Florès a cru le moment opportun pour agir. Il a rassemblé une foule d’aventuriers de tous le pays, Américains du Nord, Chiliens, Péruviens, au nombre de cinq cents environ. Il est parvenu à former une petite escadre, et c’est à la tête de cette escadrille qu’il se présentait devant Guayaquil au mois de juin dernier. Trop de temps s’est passé à attendre du renfort, à combiner des attaques. Finalement, Florès a voulu opérer un débarquement ; mais alors les Chiliens l’ont trahi, sous le prétexte spécieux qu’il leur était dû trois mois de solde, et Florès a été trop heureux de faire soixante lieues en trois jours pour gagner la frontière péruvienne, laissant son armée dispersée un peu de tous les côtés. S’il ne s’agissait que de l’ambition d’un homme, ce ne serait point certes d’un grand intérêt ; mais au fond l’expédition du général Florès avait un tout autre sens. À cette tentative hasardeuse se rattachait la plus brave question : celle de savoir si influences démagogiques qui ravagent une portion de l’Amérique du Sud s’avanceront encore dans le continent. Florès victorieux, ces influences étaient refoulées dans la Nouvelle-Grenade sa défaite les relève et leur ouvre une carrière nouvelle ; elles touchent au Pérou, et c’est ce dernier pays que le gouvernement grenadin menace aujourd’hui de ses hostilités, en l’accusant d’avoir favorisé l’expédition du général Florès. Comme on voit, la triste issue de cette aventure laisse pendante plus d’une question à laquelle est intéressé l’avenir même de l’Amérique du Sud.

CH. DE MAZADE.


REVUE MUSICALE.

La saison musicale, qui a déjà commencé à Paris, ne s’annonce pas d’une manière très brillante et semble devoir être presque aussi stérile en nouveautés piquantes que l’été assez triste qui vient de s’écouler. À l’Opéra, il n’y a rien de nouveau, si ce n’est que l’exécution des ouvrages connus et depuis si long-temps au répertoire, loin de s’améliorer, devient plus faible. On a eu la singulière idée de reprendre la Jérusalem, de M. Verdi, ce pastiche que le public parisien avait eu le bon esprit de repousser il y a cinq ou six ans, alors qu’il lui fut présenté pour la première fois. Certes M. Verdi est un compositeur de mérite, qui ne manque pas d’idées ni d’accent dramatique ; mais son style grossier et de courte haleine décèle une mauvaise éducation et un goût très contestable. M. Verdi ne sait pas traiter un thème, il hésite devant la première mélodie que l’inspiration lui livre, et, comme il n’est pas très abondant ni varié, il a vite recours aux moyens extrêmes pour produire l’effet qu’il désire Son instrumentation, à la fois pauvre et bruyante, manque de solidité et de distinction. On dirait d’un écolier qui tâtonne et qui met la main sur les plus grosses couleurs sans nuances intermédiaires et sans progression. Aussi, quand on a entendit un opéra de M. Verdi, on les a entendus