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c’est de les rajeunir en les proportionnant aux conditions nouvelles de notre temps. M. Auguste Nicolas l’essaie aujourd’hui dans un livre sur le Protestantisme. M. Nicolas, on s’en souvient peut-être, est l’auteur d’un ouvrage d’apologétique chrétienne, — les Études sur le Christianisme, dont une habile plume a parlé près de nous. Autant qu’on en puisse juger, c’est un esprit honnête, convaincu, savant d’ailleurs dans les matières qu’il traite ; peut-être seulement manque-t-il à son livre un certain art de composition et une certaine sobriété qui rend la controverse plus nette et plus saisissante. L’origine de ce travail nouveau se rattache à une publication de M. Guizot où l’historien reprenait la pensée de Bossuet et de Leibnitz, tendant à établir une sorte de concordat entre le catholicisme et le protestantisme, ou plutôt à réunir les deux églises ; en un mot, M. Guizot proposait la fusion religieuse. L. Auguste Nicolas n’a point de peine à démontrer que la fusion religieuse a au moins autant de chances que la fusions politique, ce qui n’est pas dire beaucoup. Au fond, en pareil cas, ce mot de fusion ne peut signifier autre chose que soumission. Entre l’autorité et liberté en matière religieuse, quelle conciliation est possible ? Qu’on le remarque bien : le principe du libre examen en matière religieuse une fois posé, rien n’est plus difficile que de s’arrêter, et, si on s’arrête sans revenir simplement à l’autorité, on risque de n’être plus que sceptique, sauf à faire de ce scepticisme un piédestal du haut duquel on propose aux deux principes contraires de se tendre la main. C’est le principe du libre examen que M. Auguste Nicolas prend dans le protestantisme pour en déduire ce qu’il nomme le philosophisme, le panthéisme de l’Allemagne et le socialisme contemporain. Or il s’élève ici, une objection grave que l’auteur ne s’est point posée : voici un peuple essentiellement protestant, le peuple anglais, qui est en même temps le plus anti-socialiste du monde. Peut-être une telle question eût-elle soulevé plus d’intérêt qu’une discussion purement dogmatique. Cela peut prouver tout au moins que le socialisme ne vient pas d’une source unique : il vient d’un peu partout, parce qu’il est le résumé de toutes les passions, de tous les mauvais instincts, de toutes les convoitises qui fermentent dans la nature humaine à toutes les époques et sous l’empire de tous les dogmes religieux. Ce sont là, dans tous les cas, de graves problèmes qui font oublier un moment l’intérêt de choses plus littéraires.

Où en est cependant ce domaine des choses littéraires ? quels symptômes s’y révèlent ? quelle impulsion se fait sentir ? quelles œuvre nouvelle apparaît dans la poésie, dans l’histoire, dans le roman, au théâtre ? En fait de littérature dramatique, le seul produit récent est un petit drame de Mme Sand que nous pourrions appeler un vaudeville, ou un vaudeville que nous pourrions appeler un drame. Drame ou vaudeville, c’est le Démon du Foyer. Mme Sand, à ce qu’il semble, a élu domicile dans ce petit et gracieux théâtre du Gymnase où elle ne réussit pas toujours. Si on se souvient de tout ce que l’auteur a écrit sur la vie des artistes, des peintures qu’il en a faites, des types que son imagination a créés, on connaît à peu près le Démon du foyer. : Un certain reflet de toute cette poésie des anciens récits de Mme Sand se retrouve ici : on y peut saluer ses souvenirs et ses connaissances ; seulement s’est en toute proportion avec la scène ; action, caractères, passions, détails poétiques sont en harmonie avec le théâtre. Mais quoi ? le Démon du foyer n’a-t-il pas failli soulever