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l’Afrique sous les empereurs. Elles complètent en même temps les notions insuffisantes qui nous étaient parvenues jusqu’à ce jour sur quelques évènemens de l’histoire générale, tels que l’élévation à l’empire d’Élagabal, fils de l’un des légats de la légion troisième Augusta, et la proclamation des deux Gordiens d’Afrique. On y trouve enfin de précieuses indications sur les colonies, les municipes, les routes, la géographie, les mœurs, et des juges irrécusables en cette matière, MM. Hase et Lebas, ont dit avec raison que « la publication de ces documens fera plus avancer la science de l’épigraphie romaine que ne l’ont fait toutes les découvertes publiées depuis quinze ans. »

En donnant ici, à travers tant de détails divers, cet aperçu rapide sur quelques-uns des utiles travaux poursuivis dans l’Afrique française, nous aurions pu, comme on ne l’a fait que trop souvent, discuter les différens systèmes qui ont été suivis, et, après tant d’autres, apporter des avis ou des projets. En restant strictement dans les limites de la statistique et de l’histoire, nous avons donné des faits, et nous nous sommes attaché surtout à constater des résultats, parce que les résultats, quoi qu’on en ait dit, sont à la fois incontestables et glorieux, surtout lorsqu’au lieu de chercher dans un esprit mesquin de récrimination les fautes qui ont pu être commises, on s’attache de préférence aux difficultés qui ont été vaincues. Ces difficultés étaient immenses et multiples ; en France, il fallait combattre ces préjugés traditionnels qui font regarder les colonies, même par des hommes éclairés, comme une charge pour la métropole ; il fallait, chaque année, disputer crédit par crédit, le budget de la conquête, et, en Afrique, disputer chaque jour pied à pied le sol aux Arabes. D’une part, on se croyait forcé de détruire pour soumettre ; de l’autre, on devait créer pour coloniser. On avait devant soi un ennemi toujours menaçant et toujours insaisissable, un pays sans routes, dont la géographie était à peine connue, un peuple dont la langue était un mystère, et qu’on devait administrer sans le comprendre et sans en être compris. Tout était nouveau pour nous, même la guerre ; il fallait tout à la fois combattre et organiser, et l’histoire peut dire aujourd’hui que la France a su faire l’un et l’autre. Il y a eu sans doute de nombreux tâtonnemens et de regrettables erreurs, mais du moins, dès l’origine, au lieu de s’entêter, comme il arrive trop souvent, dans un système absolu, on s’est soumis à l’expérience des faits, en reconnaissant avec raison qu’en économie sociale les faits sont les vérificateurs de la science, comme ils en sont les matériaux. Les secousses profondes qui ont ébranlé la France ont ralenti, mais sans les compromettre, les progrès de la colonisation, parce que depuis long-temps déjà il n’y a plus de partis quand il est question d’Alger. Il ne s’agit point ici pour nous d’une de ces colonies lointaines que la distance rend pour ainsi dire étrangères à la métropole ; il s’agit d’une véritable annexion, et cette situation toute nouvelle dans l’histoire de nos possessions d’outre-mer est de tout point conforme au génie de la France. La destinée de l’Algérie est intimement liée désormais à la destinée de la France elle-même, et en comparant, d’une part, ce qu’elle a coûté, et, de l’autre, ce qu’elle promet et ce qu’elle peut donner, nous n’avons, après tant de sacrifices, à regretter qu’une chose, c’est le sang dont nous avons scellé la conquête. Il y a là un avenir immense, et ce qui retarde peut-être le progrès, c’est que l’Algérie n’est pas suffisamment