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cependant l’une des denrées les plus usuelles ; et ce n’est pas seulement par les produits du sol, mais aussi par les richesses qu’elle renferme dans ses mines que l’Algérie enrichit la France en l’affranchissant vis-à-vis les autres nations, car, elle a les fers aciéreux que nous demandons à la Suède, le cuivre que nous achetons à la Russie, le plomb que nous fournit l’Espagne.

Sous le rapport de l’agriculture, l’Algérie présente donc aujourd’hui une situation satisfaisante. Il en est de même des travaux d’utilité publique. Cette fois encore tout était à créer, car la seule grande civilisation qui eût touché cette terre, la civilisation, romaine, n’y avait laissé que des souvenirs et des ruines ; mais, dans ces vestiges des maîtres ; du monde, il y eut comme un aiguillon pour les maîtres nouveaux qui venaient, après tant de siècles, recueillir leur héritage, et la France a fait comme Rome, elle a tout créé. Si la virilité et la force expansive des peuples se mesurent à leur énergie dans la guerre, leur civilisation se mesure également aux travaux qu’ils exécutent dans un intérêt social. La truelle et la pioche sont, tout aussi bien que l’épée, des instrumens de conquête, et c’est par elles que nous avons affermi notre domination dans ce pays, qui ne connaissait, avant nous, que des sentiers et des routes muletières. Nous avons créé, de 1831 au mois de janvier 1850, outre 85,000 mètres de voirie urbaine, 3,071 kilomètres de voies de communication nationales, stratégiques et départementales, et c’est là une prise de possession très significative, car les routes sont, sans contredit, le plus puissant moyen de civilisation et de gouvernement. Nous avons jeté 86 ponts sur les canaux et les rivières, et dans ce pays brûlant, où la distribution abondante des eaux est un des principaux élémens de la santé publique, nous avons fait plus de 117,000 mètres de conduites d’eau ou aqueducs, 328 fontaines et 109 châteaux d’eau et réservoirs. Les ouvrages romains nous ont été souvent d’un grand secours. Les trente-deux citernes de Constantine et les cinq de Philippeville, l’ancienne Rusicada, ont été déblayées ou restaurées, et nous avons pu, dans ces grands travaux, admirer une fois de plus la science pratique des constructeurs romains. Ces citernes, divisées en plusieurs compartimens, afin de laisser aux eaux le temps de déposer et, de s’épurer, peuvent contenir chacune plusieurs mille mètres cubes d’eau, et la plupart étaient alimentées, non point par la pluie, comme on le croit généralement, mais par des eaux vives que l’on amenait de distances souvent fort éloignées, au moyen d’un système d’aqueducs, de conduits souterrains et de petits canaux qui communiquaient entre eux comme les viaducs, les tunnels et les terre-plains de nos chemins de fer.

La Mitidja et quinze grands marais ont été desséchés et débarrassés des eaux stagnantes, qui enlevaient en les détrempant de nombreux terrains à l’agriculture et répandaient au loin des miasmes pestilentiels. On a organisé en même temps à Saint-Denis du Sig un vaste système d’irrigation, et 20,000 mètres de canaux portent avec des eaux vives la fraîcheur et la fécondité sur une étendue de 2,500 hectares, étendue qui sera doublée quand le barrage et les travaux accessoires auront reçu la dernière main. De 1831 à 1849, le port d’Alger, création aussi gigantesque que le port de Cherbourg, a reçu d’immenses développemens, et, d’après les plans définitivement adoptés aujourd’hui et qui sont tous en voie d’exécution, ce port, armé de batteries