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a toujours comme une contraction fugitive et grimaçante il ne peut s’empêcher de rire de son nez rouge :

Le froid m’assault aux doigts, pieds, corps et mains,
Et me poursuit jusques au bout du nez
Du rang je suis de ceux-là qui sont nés
En povreté, desquels il en est maints.
Aux vents de bise et galerne inhumaine,
Mes gages sont un hyver assignés.

Ce n’est là que le commencement de ses maux ; tous les malheurs vont se dresser à la suite. Vient d’abord la maladie, « de quoy sa bource en a bien pis valu. » Puis c’est une cure qu’on lui avait promise, et qu’il n’obtient pas ; ni sa conduite ni ses poésies ne permettaient qu’on lui accordât cette grave fonction. Il porte ainsi la peine de sa jeunesse licencieuse ; mais il n’en est pas encore arrivé aux remords, et pour la première fois il sent monter un sentiment de colère dans son cœur si doux et si facile. L’épreuve se continue cependant. Tous ses amis bout en la terre mis, et voici son unique protecteur, celui qui ne l’a jamais abandonné, Mgr Charles du Refuge, qui meurt aussi. À ce coup, la douleur lui troubla l’esprit, et il fit sérieusement la plus grotesque oraison : funèbre qui se puisse voir :

C’estoit un Charles magnifique,
C’estoit un Charles vertueux,

C’estoit un Charles sans trafficque,
C’estoit un Charles sumptueux,
C’estoit un Refuge amyable,
C’estoit un Refuge parfaict,
C’estoit un Refuge acceptable,

Ha ! Cruelle mort, qu’as-tu faict ?

Il tâche ensuite de se recommander au successeur de ce refuge acceptable ; mais voici une nuée de procureurs qui se précipitent à la rescousse de leurs chers enfans, Faute-d’Argent et Plate-Bourse. Il eut un procès qui dura trois ans, et qui pensa lui faire perdre l’esprit : « Durant ce temps, Povrete m’a couvé, » dit-il énergiquement. Enfin l’amitié revient à lui, sa vie s’éclaircit, et sa gaieté reprend toute sa vigueur. Roger commence par reconquérir sa philosophie. Il se hasarde à chanter son joyeux programme de la doctrine, épicurienne :

Pour évader ceste grande chaleur
Qu’on voit rogner, et aux corps périlleuse,
Besoin nous est faire chère joyeuse,
Boire souvent, et toujours du meilleur, etc.

Quelques pensées d’amour, les gracieuses pensées du temps jadis, refleurissent dans le cœur presque mort du poète comme une seconde moisson de roses blanches aux dernières rougeurs du soleil d’automne ; mais c’est bien l’amour trouvère :

Friands morceaux, bonne boisson,.
Voilà le point que je souhaite,