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jours de caravane à partir de Trébisonde jusqu’à Tabris, qui sert d’entrepôt à tout le royaume ; point de difficultés, une route sûre, un transport peu coûteux, une vente certaine et lucrative. La France pourrait aisément prétendre à partager avec l’Angleterre les gros bénéfices que celle-ci prélève seule, et ce serait peut-être dans l’avenir un contrepoids utile à l’influence qui pèse, si lourdement sur les destinées de ce malheureux pays. Nous savons que la France n’a pas de traité de commerce avec la Perse, il pourrait y avoir là un obstacle ; mais serait-il donc insurmontable ? Ce que le gouvernement français n’a pas encore voulu, ni exigé énergiquement, parce qu’il ne voyait pas là un intérêt actuel, immédiat pour ses nationaux, il l’exigerait, il l’obtiendrait le jour où il saurait que des négocians français ont enfin tourné leurs yeux vers ce pays. Il y a là un cercle vicieux duquel il serait temps de sortir ; on n’a pas de traité, parce que le commerce n’en réclamait pas, et celui-ci ne va pas en Perse, parce qu’il n’y voit pas la sécurité qu’assure un traité. Que le commerce engage la responsabilité du gouvernement français, et celui-ci sera bien obligé de demander entrée et protection pour ses nationaux. Par quelle bizarre exception la Perse serait-elle le seul pays du monde où la France n’aurait pas d’accès ? L’Angleterre a appris aux autres nations comment il faut s’y prendre pour vaincre les mauvais vouloirs. Le port de Bender-Bouchir n’est pas inabordable, et la France y a laissé des souvenirs qui lui donnent aussi des droits à y déployer son pavillon de gré ou de force ; qui connaît d’ailleurs le caractère persan et les sympathies que lui a toujours inspirées la France estimera l’emploi de la force inutile. Une simple démonstration et une volonté ferme suffiraient pour vaincre les résistances, de quelque part qu’elles vinssent. Pour comprendre l’intérêt de la France à faire abaisser devant elle les barrières qui lui ferment la terre d’lrân, il suffit de réfléchir à la persévérance des efforts qu’ont toujours faits l’Angleterre et la Russie pour lui interdire l’entrée de la Perse. Nous livrons ces réflexions à ceux qui sont appelés à faire cesser un état de choses également préjudiciable pour l’influence politique et pour les intérêts commerciaux de notre pays.


EUGENE FLANDIN.