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qui portèrent de tous côtés leurs connaissances, leur habileté et leur industrie.

Le goût du beau est presque inséparable de celui du luxe. Aussi les Persans, qui avaient commencé par élever des sanctuaires magnifiques pour s’y recueillir dans la prière, ne tardèrent-ils pas à apporter dans les habitudes de leur vie une fastueuse élégance ; il leur fallut, pour se couvrir, de riches étoffes, de fins tissus de cachemire, des brocarts d’or, des velours, des satins brochés ; ils ne purent poser le pied que sur des tapis moelleux et nuancés des plus harmonieuses couleurs. Les plats, les aiguières n’étaient plus d’un travail assez exquis pour réjouir leurs yeux devenus difficiles, et les orfèvres durent s’ingénier à trouver les formes les plus élégantes, à exécuter les plus délicates ciselures. Au temps de leurs grandes conquêtes, les Perses s’étaient contentés d’une selle et d’une bride pour conduire leurs coursiers jusqu’aux rivages de l’Hellespont ; les Persans de l’époque des Sophis voulurent les couvrir de housses magnifiques ; les selles disparurent sous les broderies de toute sorte, et les brides surchargées d’or et de pierreries qui les dissimulaient avaient plutôt l’air de colliers enlevés aux harems que de harnais faits pour des chevaux. Aucun art n’était négligé dans ce siècle de magnificence mais la peinture tenait la première place dans les prédilections des riches Persans. Des tableaux historiques, des scènes de batailles, des portraits de héros, les fantaisies capricieuses d’une imagination excitée par la lecture des poètes, attestaient chez les artistes persans une verve, une habileté dont on peut juger encore par les peintures variées qui font admirer, après plus de deux siècles, leur inaltérable fraîcheur sur les murs du Tchehel-Sutoun à Ispahan. Tandis que les peintres embellissaient par leurs compositions les demeures des princes ou des riches, des ateliers, des fabriques sortaient une quantité considérable de produits de toute sorte qui allaient se répandre dans les bazars de l’Asie. L’orfèvrerie de la Perse était portée dans l’Inde, à Bagdad, à Constantinople. Les étoffes recherchées de l’Irân étaient au nombre de ces raretés précieuses que les souverains s’adressaient en présens ; ses armes, de l’acier le plus fin, damasquinées d’or, étaient des objets de convoitise pour tous les hommes de guerre. L’industrie de la Perse régnait sur tous les marchés du monde : elle donnait l’exemple et fournissait des types aux nations laborieuses. Les bazars d’Alep, de Damas, du Caire, de Constantinople, regorgeaient des produits que la Perse y envoyait par ses nombreuses caravanes. Les marchands de Venise, de Pise, de Gênes, les Juifs de France, d’Espagne et d’Allemagne allaient y chercher les riches étoffes, les bijoux et la vaisselle précieuse qu’ils rapportaient en Europe pour les vendre au poids de l’or. Alors commencèrent à se propager dans les