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cours de leurs expéditions belliqueuses, sentirent s’épanouir en eux le goût des arts et du luxe à la vue des temples et des palais de l’Égypte ou de la Grèce. Après les avoir dévastés, ils rapportèrent dans leur patrie le germe d’une civilisation qu’ils créèrent plutôt qu’ils ne l’imitèrent, car il faut reconnaître que chez eux tout fut original, et que leur imagination, excitée par ce que leurs yeux avaient admiré, se lança dans la vaste carrière de l’invention ; au lieu de demeurer emprisonnée dans l’étroit espace des reproductions et des copies. En effet, les palais de Persépolis, avec leurs colonnes cannelées, leurs chapiteaux à volutes, montrent comment, sous le règne des Achéménides, les Perses surent approprier l’architecture grecque aux usages de leur pays. Les innombrables sculptures qui ornèrent ces monumens somptueux, l’adoption de la ronde-bosse ou du bas-relief pour la décoration systématique de ces édifices, rappellent ce qu’ils avaient vu dans les palais de Ninive et de Babylone ; mais cette architecture ou cette sculpture, par lesquelles ils manifestèrent tout d’un coup leur génie, si elles furent le résultat incontestable d’idées puisées en Assyrie, en Grèce ou en Égypte, sont pourtant tout-à-fait originales ; On peut dire, il est vrai, qu’elles sont le produit d’inspirations nées en face des monumens de ces divers pays ; mais il faut ajouter que ces inspirations repoussent, par leur caractère propre, la pensée qui n’y verrait que des réminiscences. Dans les détails architectoniques de Persépolis, on retrouve bien quelque chose de la Grèce : ainsi des salles royales ou des temples sont précédés d’un portique avec des colonnes, et l’intérieur est également divisé par d’autres colonnes qui en soutiennent la partie supérieure ; Ces colonnes sont cannelées et se terminent par un élégant chapiteau dans lequel on reconnaît la volute ionienne ; mais le tout est agencé, composé et orné d’une façon qui détruit complètement l’idée qu’on pourrait avoir d’une imitation servile du style grec. L’ensemble des chapiteaux ne se rapproche aucunement de celui des ordres grecs, et l’architrave des édifices de Persépolis est portée par des corps d’animaux terminant les colonnes. Certes il n’y a rien là qui soit copié des Grecs ou dont on puisse trouver l’idée première dans les monumens soit de l’Assyrie, soit de l’Égypte. Il en est de même des espèces de pylônes qui précédaient les entrées des palais ou des nombreux bas-reliefs qui décoraient leurs murailles. Il est évident que les Perses avaient emprunté ce genre de décoration aux palais de Ninive ou aux hypogées de l’Égypte ; mais, en y puisant l’idée première du pylône, ils en avaient considérablement modifié la forme. Il n’y a donc aucun rapport entre les sculptures assyriennes ou égyptiennes et celles de Persépolis. À cette époque déjà, qui date de plus de vingt siècles, l’esprit et le goût des Perses se faisaient remarquer par les qualités qui leur sont propres, et qui les distinguent encore de nos jours, à savoir