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fils est si grande, que celui-ci reste avec le père quand bien même sa mère est répudiée. Il y a là quelque chose de barbare, et on a peine à croire que le sentiment maternel ne se révolte pas contre une loi qui ne reconnaît que les droits du père. — Si la rupture des mariages temporaires est facile, il n’en est pas de même pour les mariages légitimes et sérieux. Le divorce est considéré par les Persans comme un scandale, et il n’est accordé à ceux qui le souhaitent qu’à des conditions si onéreuses, qu’ils reculent ordinairement devant cette extrémité. Cependant il faut dire que, dans un pays où le mari a d’aussi grands privilèges, où il lui est si facile de prendre une nouvelle femme, le divorce est inutile.

L’usagé et le bénéfice de cette loi mahométane, en ce qui concerne le nombre des femmes légitimes ou autres, n’est d’ailleurs que le privilège de quelques personnages riches, car il faut avoir de grands moyens d’existence pour entretenir un harem et satisfaire non-seulement aux besoins, mais encore aux caprices d’un certain nombre de femmes. Aussi les Persans qui profitent de toute la latitude accordée par le Koran sont-ils très rares ; on ne les rencontre guère que parmi les princes et les khans les plus opulens. Quant à la classe indienne ou à celle des raïas, elles sont trop misérables pour se donner ce luxe de la polygamie, et chaque homme n’y a qu’une seule femme.

Tel est dans ses traits principaux le caractère de la société persane considérée sous l’aspect moral et religieux. Une foi sincère y contraste avec un désordre de mœurs qui n’existe que dans les classes riches et une tendance plus généralement marquée à la paresse et au fatalisme. Sont-ce là des défauts inhérens au génie même de la nation ? Cette sorte de lassitude et d’apathie ne s’explique-t-elle pas par les révolutions nombreuses qui ont ensanglanté la terre d’Iran depuis un siècle ? Avant de nous prononcer, il nous reste encore à interroger des tendances qui tiennent aussi une grande place dans la vie persane, le goût des arts et l’aptitude aux travaux industriels. Nous pourrons décider ensuite avec quelque confiance de quel côté sont les vrais instincts et les plus vifs penchans de la nation.


IV. – LES ARTS ET L’INDUSTRIE EN PERSE.

Pour montrer combien le sentiment des arts est vivace en Perse, il ne faut que suivre l’histoire des populations de l’Iran depuis les temps les plus reculés jusqu’à l’époque actuelle. Sans cesse on voit ce sentiment aux prises avec des difficultés toujours renaissantes, dont il ne manque jamais de triompher. C’est un grand et triste spectacle que nous offre l’histoire de l’art en Perse, un spectacle plein d’intérêt dramatique et aussi de graves enseignemens.