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ce qui est écrit, du moins pour en détourner et en atténuer les effets. En Perse comme en Turquie, quel que soit le sort d’un individu, jamais on ne le voit, contre les décrets de Dieu, dans cet état de révolte qui conduit au suicide. Cet homicide contre soi-même y est aussi inconnu que celui qui est si souvent, chez nous, le résultat d’un préjugé et quelquefois, il faut le dire, de l’inefficacité des lois : les Persans ne connaissent pas le duel ; ils se, vengent, ils attaquent, assassinent même un ennemi, mais ils ne se battent pas conditionnellement et devant témoins.

Nous avons vu combien de concessions Mahomet, avait cru utile, dans l’intérêt de sa propagande, de faire à l’instinct et aux besoins des peuples qu’il voulait ranger sous la bannière de l’islamisme. L’une des facilités octroyées par le prophète qui répugne le plus à nos mœurs et à notre religion est, sans contredit, celle qui autorise à pluralité des femmes. Le Koran légitime la polygamie ; cependant il établit des différences entre les compagnes que peut se donner un homme : ainsi il n’en permet pas plus de quatre légitimes, c’est-à-dire vivant toujours avec leur mari et ne pouvant être répudiées par lui selon son bon plaisir. Ces épouses sont appelées nikià. À côté d’elles, un musulman peut avoir, sous le nom de muthèh, autant de concubines qu’il lui plaît d’en entretenir sous son toit. Dans cette seconde catégorie, il y a des femmes qui sont achetées, d’autres qui sont simplement louées. Leur maître les chasse ou les revend quand il ne s’en soucie plus. Le second mode de possession, la location, constitue ce qu’on est convenu d’appeler un mariage à temps, et ce temps est indéterminé. Il peut être fort court ; la durée dépend exclusivement des conventions stipulées entre les parties contractantes. Cette union temporaire a lieu moyennant un prix convenu et le marché est passé en présence d’un mollah ou devant le cadi. L’engagement pris par l’homme n’est pas irrévocable ; il lui est loisible de renvoyer la muthèh dont il ne veut plus à la condition de payer la somme promise. Si, au contraire, elle lui plaît encore à l’expiration du bail, il peut, d’après un nouvel arrangement, le prolonger. Bien que cet usage soit sanctionné par la loi, il existe cependant une différence très sensible, dans l’intérieur des harems, entre les épouses légitimes et les concubines. Celles-ci, réservées aux plaisirs du mari ou occupées des soins du ménage, ne vont pas de pair avec les autres et sont toujours tenues vis-à-vis d’elles dans une position d’infériorité dont elles ont quelquefois à souffrir cruellement ; car ce que le Koran permet, le cœur ou la vanité ne le soutire pas toujours.

Cette distinction entre la nikià et la muthèh n’existe nullement entre leurs enfans. D’après la loi musulmane, la valeur de l’origine ne dépend que du père, et tous les enfans qu’il a, quel que soit le titre de leur mère, sont légitimes. La différence entre une concubine et son