Page:Revue des Deux Mondes - 1852 - tome 15.djvu/1113

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

une révolution faite avec le concours du clergé a, eu, pour résultat de consacrer la liberté dans les termes les plus larges. Toutefois la Belgique a renoncé par sa constitution aux garanties que nous donnent nos lois, et son histoire, depuis vingt ans, n’offre que la lutte de l’influence cléricale contre l’esprit nouveau. La prudence d’un prince habile et éclairé, la réaction de l’opinion, le gouvernement confié, dans ces dernières années à des hommes aussi fermes que circonspects, ont réduit des prétentions excessives, quoique de récens exemples démontrent que ces prétentions n’ont rien de leur vivacité.

La législation de la France a soulevé des plaintes, il est vrai ; mais quel régime, surtout en pareille matière, n’en suscite aucune ! Le saint-siège se loue de ses rapports avec le gouvernement français, et ne s’associe point à des réclamations pleines de périls pour le catholicisme lui-même. Ceux des catholiques les plus imbus des doctrines ultra-montaines, qui, à d’autres époques, avaient réclamé la séparation de l’église et de l’état, ont cessé de défendre une opinion dont le triomphe aurait pu entraîner les plus funestes conséquences[1]. Dans les communions protestantes, l’immense majorité adopte sans arrière-pensée un régime sous lequel elle ne se sent pas moins libre que protégée. À côté des églises reconnues, des temps sont ouverts à quelques sectes dissidentes, anglicans, wesleyens, etc. ceux qui n’ont pas encore obtenu cette faculté cesseront de se plaindre aussitôt que le principe de la liberté, franchement appliqué, leur permettra, sous les garanti »es dues à l’ordre public, de célébrer leur culte particulier, et qu’ils trouveront dans le pouvoir politique un simple surveillant, impartial et confiant. Quant aux israélites, ils s’applaudissent d’une législation qui a cessé de les considérer comme une nation à part, qui les appelle, en dépit de préjugés détruits, au partage égal de tous les avantages sociaux, et leur ouvre, à l’abri des exclusions maintenues par les gouvernemens les plus libres, l’accès aux plus hautes dignités de l’état[2].

Il est légitime et naturel que les églises reconnues, que celle en particulier à laquelle appartient la grande majorité des Français, tendent sans cesse à une plus large indépendance. L’état, de son côté, au lieu de céder au sentiment d’une étroite jalousie, doit aimer à leur accorder successivement des franchises plus étendues : sa responsabilité en sera allégée, et son autorité morale n’en éprouvera aucune atteinte ;

  1. Voyez Lamennais, t. X, édition Pagnerre, p. 54. – Préface écrite en 1835.
  2. A la population israélite appartiennent, dans les professions libres, un grand nombre de médecin et d’avocats, des notaires, des avoués, etc. ; dans les emplois publics, un ministre, un procureur-général, plusieurs magistrats de cours d’appel et de première instance, 12 professeurs, environ 200 officiers, principalement dans l’artillerie et dans le génie, dont un colonel d’état-major, 12 professeurs dans les facultés et les lycées et 6 chirurgiens militaires ; en 1847, 10 élèves israélites ont été admis à l’École polytechnique. Deux membres de l’Institut sont israélites.