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qui fait briller à l’horizon le feu des Héaux de Bréhat. L’établissement d’un refuge central que pussent toujours gagner les bâtimens compromis dans ces parages dangereux importerait bien davantage encore. Quinze années d’observations attentives en ont désigné l’emplacement aux ingénieurs hydrographes de la marine, et la certitude de procurer ainsi à la navigation de la baie la sécurité, sans laquelle elle ne se tirera jamais de sa médiocrité, les a fait sortir de leur réserve habituelle sur les indications : de travaux[1]. Cet abri, dont les avantages et l’insuffisance du Port-Penthièvre font mieux que jamais sentir la nécessité, cet abri serait au Port-Aurèle : un môle, enraciné sur la pointe du Roselier et s’avançant de 400 mètres au sud-est, en rendrait la sûreté parfaite, et les navires y seraient portés sans effort par la plupart des accidens de mer dont ils sont assaillis dans la baie. La nature du fond et la proximité des matériaux renfermeraient dans d’assez étroites limites les dépenses de ce travail.

Cette construction rendrait un autre service à la région maritime et territoriale dont elle occuperait le centre : elle concourrait à lui donner la métropole qui lui manque pour attirer la navigation lointaine, le commerce et les capitaux. Le refuge du Port-Aurèle servirait d’avant-port au Légué, et le dédommagerait ainsi du désavantage de n’être pas accessible à toute marée. Malgré les obstacles suscités par l’incurie des hommes, le Légué tend à devenir le foyer des principales relations du pays : il ne faut, pour s’en convaincre, que considérer la manière dont se répartissent entre les ports de la baie le mouvement naval et les produits des douanes. Ils ont été en totalité :


En Tonneaux Francs
1846 140,504 239,609
1847 136,396 188,533
1848 127,477 178,221
1849 127,546 174,468
1850 133,933 145,722
1851 199,724

La part du Légué dans la moyenne annuelle d’un mouvement de 133,153 tonneaux et d’une perception de 187,879 fr. est de 45,000 tonneaux et de 133,153 francs ; c’est plus du tiers de la navigation, ce sont les sept dixièmes de l’impôt. La vente annuelle des sels pendant la même période a été de 15,812 quintaux au Légué, et de 10,102 seulement dans le reste de la baie. On peut affirmer sans témérité, d’après ces indices de l’étendue relative du marché que dessert le port du Légué, que la réalisation des améliorations qu’y réclament l’état du rivage

  1. Voir le Pilote français, page 132 des Instructions nautiques publiées au dépôt de la marine en 1851.