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celle de la morue, et qui réussit dans l’une peut à coup sûr réussir dans l’autre. Le Légué par sa position au fond de la baie, Saint-Brieuc par les facilités que procure aux affaires la principale agglomération d’hommes et de capitaux du pays, sont devenus le contre des opérations de la pêche de Terre-Neuve. Les ports de la baie font aujourd’hui le huitième de la totalité de nos armemens pour le banc[1], et une institution que devraient s’approprier beaucoup d’autres régions maritimes établit entre eux un lien dont le point d’attache est à Saint-Brieuc : c’est la Société d’assurance mutuelle de la baie. Elle prend à son compte tous les risques de mer que peuvent courir les navires destinés à la pêche de Terre-Neuve, depuis le départ de Bretagne jusqu’au retour, y compris les voyages faits pour le placement du poisson, soit sur les côtes orientales de l’Amérique, soit sur les côtes européennes de l’Océan, soit sur les côtes de la Méditerranée : elle pourvoit à ses charges par la perception de primes graduées sur la valeur et le plus ou moins d’extension des opérations des navires. Les statuts de cette association, dont tous les membres se connaissent, dont tous les objets s’apprécient entre hommes du métier avec une rigoureuse équité, sont d’une remarquable sagesse, et n’ont jamais donné lieu à aucun débat qui ait éclaté au dehors. Ces statuts sont publics, mais les résultats économiques de l’association demeurent secrets entre les intéressés. S’il est vrai, comme on l’affirme à côté d’eux, que les charges de cette mutualité soient inférieures de moitié aux primes fixes qu’exigent dans des circonstances analogues les assureurs maritimes ordinaires, il est fâcheux que ces résultats ne reçoivent pas une publicité qui ferait des prosélytes au système. L’influence salutaire exercée par l’association sur les soins donnés aux armemens paraît n’avoir pas moins contribué que l’économie de la gestion au succès obtenu.

Il ressort de cet aperçu que les élémens d’un établissement maritime puissant entre les établissemens secondaires sont épars au Légué, à Saint-Brieuc et dans les environs, mais presque réduits à la stérilité par leur isolement. Quelques kilomètres de routes tracés avec intelligence, quelques travaux à la mer, dont un coup d’œil jeté sur l’ensemble de la baie fait sentir l’avantage, quelques sacrifices d’amours-propres locaux obtenus, — et le port obscur de Saint-Brieuc prendrait rang parmi les bons ports de la Manche. Tout le département des

  1. Les contingens se sont répartis en 1850 de la manière suivante :
    bâtiments hommes
    Paimpol 1 57
    Portrieux 4 246
    Binic 11 520
    Le Légué 22 527
    Dahouet 2 62
    En tout 29 1,412