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celle du Gouëdic. Le saint dont la ville porte le nom débarqua de la Cambrie sur ce rivage en 545. Il ne songeait évidemment point à fonder un établissement maritime, et plaça sa retraite au milieu des bois, sur un lieu élevé, tel que ceux d’où les patriarches aimaient à faire monter leurs prières vers le ciel. Il y bâtit un monastère, fit des défrichemens, et bientôt quelques habitations se groupèrent alentour. Au IXe siècle, le monastère fut érigé en évêché. Plus tard, une population attirée par la force défensive de la position y trouva, sous la protection d’une enceinte crénelée, la seule sécurité qu’ait comportée pendant plusieurs siècles l’état politique de la Bretagne. Les vieux remparts sont tombés lorsqu’ils n’ont plus été qu’une gêne inutile, et de belles promenades en occupent aujourd’hui la place. Doté, par la division du territoire en départemens, d’établissemens que lui refusait l’ancienne organisation provinciale, Saint-Brieuc a doublé depuis 1789, et cette ville est avec 14,053 habitans le chef-lieu d’un département qui en compte 632,613. Sa population n’est que le quarante-cinquième de celle du ressort, et ce n’est point assez pour exercer sur le pays une influence considérable.

Le Légué passe, on ne saurait dire pourquoi, pour le faubourg de Saint-Brieuc : les deux populations sont séparées plutôt que réunies par la raideur des rampes qui les font communiquer. Sauf une étroite issue ouverte par la route de Pontrieux, on ne sort du Légué qu’en passant au travers de Saint-Brieuc, et l’établissement maritime est emprisonné entre des vallées sans routes et des routes rebutantes d’escarpement. Lorsque des tracés excellens s’offraient d’eux-mêmes pour le service du port, on leur en a préféré de détestables. Était-ce crainte que l’aplanissement de l’accès du rivage n’y attirât la population des hauteurs, et qu’une assistance intelligente accordée aux intérêts maritimes n’amoindrît, par les comparaisons auxquelles elle donnerait lieu, les créations du VIe siècle ? Je ne sais ; mais, soit effet de rivalités locales, soit indifférence de l’administration, c’est sans utilité pour notre puissance navale que le chef-lieu de l’un de nos départemens les plus populeux est assis au centre d’un territoire fertile, au fond d’une baie ouverte sur la mer la plus fréquentée du globe.

La construction de quais et de bassins sur une rive accessible aux navires n’est pas toujours le meilleur moyen de les attirer : la perfection et la multiplicité des artères intérieures par lesquelles se forment ou se débitent les cargaisons importent davantage encore à la navigation. La circulation maritime augmente ou décroît avec la circulation territoriale à laquelle elle correspond, et, pour animer l’une, il ne faut souvent que développer l’autre. Deux millions dépensés au Légué à la construction de 1,550 mètres de quais n’ont exercé aucune influence sensible sur le tonnage local. Ce tonnage eût probablement doublé, si