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moins besoin, est décoré du nom de Rade de Portrieux, apparemment pour montrer combien les marins de la baie sont peu gâtés en fait d’abris. Le port d’échouage de Portrieux donne sur la rade. Un mole de 200 mètres de longueur le protège médiocrement contre la mer, et y retient, sans en rien laisser échapper, les débris des falaises voisines qu’y charrie le jusant. Peut-être l’ouverture, à la racine du môle, d’une issue au travers de laquelle le courant continuerait sa marche et entraînerait les sables dont il est chargé arrêterait-elle le comblement du port. Les môles ainsi percés ne sont pas d’une invention nouvelle, et c’est par ce procédé que les Romains prévenaient l’envasement de leurs ports de l’Adriatique. Malgré ces difficultés, beaucoup de denrées se chargent à Portrieux pour les îles de la Manche ; l’on y arme pour la pêche de la morue, et cette activité garantit que les améliorations y seraient bien placées.

À trois milles au sud de Portrieux, la petite rivière d’Ic forme à l’abri du nord, au fond d’un repli de la côte et en face d’un mouillage exposé à l’est, mais d’un accès facile et d’une bonne tenue, un chenal dans lequel les marées de quartiers portent près de 2 mètres d’eau. Dès 1612, les habitans de Binic y commençaient des armemens pour le banc de Terre-Neuve, et bientôt une petite jetée protégea le chenal contre le ressac des lames renvoyées du midi par la courbure de la côte. En 1783, le duc de Penthièvre, aïeul du roi Louis-Philippe, vint à Binic ; peu de jours auparavant, une barque, montée par dix-huit hommes, avait péri sur les roches situées en dehors de la jetée : le prince était grand-amiral de France ; il ordonna, pour prévenir de semblables malheurs, la construction d’une seconde jetée, et fit faire le projet d’un môle qui, plus puissant et plus avancé, devait s’enraciner à la pointe nord-est de l’atterrage. L’on n’a mis qu’en 1846 la main à ce dernier travail. Le môle s’allonge à 320 mètres au sud-est ; établi sur un sol plus bas et atteint par la mer montante plus tôt que le port, il réunit à l’avantage d’en faciliter l’accès celui d’ouvrir un large abri aux bâtimens surpris dans ces parages par de violentes rafales du nord. Le souvenir reconnaissant du pays a donné le nom de Port-Penthièvre à ce refuge. Cet ouvrage est le mieux conçu qu’on ait encore exécuté dans la baie. Peu de temps avant qu’on l’entreprît, d’autres améliorations s'étaient réalisées : le chenal de l’Ic avait été aligné, garni de beaux quais ; l’établissement d’un pont de bois en amont avait déterminé la construction d’un nouveau quartier sur la rive droite de la rivière. L’administration reculait devant la dépense de ce projet ; les habitans de Binic, pour le faire adopter, se sont chargés de l’exécuter eux-mêmes à des prix auxquels n’eût souscrit aucun entrepreneur. On ne dit pas qu’ils aient gagné sur le marché ; mais leur intelligence avait prévu les effets de leur dévouement, et l’air de