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de continuer sur le même plan, puis-je dire avec la même précision de méthode et de simplicité, le monument que lui a consacré un membre si éminent de l’Académie des sciences.

Là en effet, ce semble, apparaît de la manière la plus heureuse cette alliance, cette affinité qui rapproche les diverses branches du savoir humain et les diverses académies de l’Institut. Rien de plus vrai, de plus utile, et, nous ajouterons, de plus tutélaire que cette intime réunion, si naturelle qu’à diverses époques les savans les plus célèbres en offraient l’exemple en eux-mêmes et la réalisaient dans la diversité de leurs études et de leurs écrits. Aujourd’hui même, n’en avons-nous pas une preuve éclatante et touchante dans la personne de l’illustre et vénérable doyen de l’Institut tout entier, de ce mathématicien si lettré, de ce littérateur si profond dans les sciences physiques, qui, sous le poids des années et d’un deuil plus accablant que l’âge, a conservé tant d’exquise justesse de langage, a répandu sur de récentes découvertes la lumière d’une exposition si savante et l’attrait d’une clarté si populaire, et donné aux premiers noms de la science, depuis Newton jusqu’à Laplace, un nouvel intérêt de grandeur publique et privée[1], et comme une nouvelle vérité à leur gloire, par le charme des souvenirs que leur a consacrés sa pénétrante admiration ou son ingénieuse reconnaissance ?

Bien au-dessous de ces exemples, qui cependant, lors même qu’ils découragent, peuvent guider encore, tâchons de continuer, au moins par l’exactitude impartiale et la saine philosophie, l’œuvre de d’Alembert, et d’y ajouter une portion d’annales littéraires qui comprendrait près d’un siècle de l’Académie française, la fin de sa plus grande gloire et l’époque de ses plus grandes épreuves, de sa ruine violente, de sa prompte renaissance au milieu de l’Institut.

Ainsi bornée, la liste, sans égaler par le nombre des grands noms celle qu’a parcourue d’Alembert, renferme une part considérable de l’histoire des lettres et de la société. Et d’abord, au-dessus de toutes les têtes, on y voit briller l’idole, le démon familier du XVIIIe siècle, celui qui le remplit tout entier du bruit de sa voix et des échos de sa renommée, l’illumine d’en haut, le trouble et l’égaré en bas, Voltaire, le poète et le critique, le réformateur et le destructeur, celui qui, dans l’abaissement et l’indolence des anciens pouvoirs, devint presque, par le talent applaudi et la faveur populaire, la première autorité publique de France, faisant des alliances au dehors avec Frédéric et Catherine II, leur passant trop aisément alors la Silésie conquise, Rosbach, la Pologne démembrée

  1. Voir en particulier, dans le Journal des Savans, les morceaux de biographie et d’analyse scientifique de M. Biot, sur la correspondance de Newton et de Cotes, sur le magnifique observatoire de Poulkova, sur une anecdote de la vie de M. de Laplace, sur la découverte astronomique de M. Leverrier, etc.