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de calme sur l’échafaud, comme Malesherbes et Bailly ; le savant et sage de Bréquigny ; Sedaine, qu’il suffit de nommer ; le marquis de Montesquiou, membre généreux de l’assemblée constituante, de cette famille des Fezensac où la politesse des lettres et l’esprit guerrier sont héréditaires[1], et enfin un d’Harcourt, de cette autre famille où ne s’est pas interrompue jusqu’à nos jours la tradition du talent et du courage, depuis le maréchal d’Harcourt tant vanté par Saint-Simon, homme de cour, général et négociateur également habile, que Louis XIV estimait beaucoup, mais trouvait de trop bonne maison et d’humeur trop indépendante pour en faire un ministre.

Ces noms, ces mérites si divers n’ont pas encore obtenu dans les annales de l’Académie française le jugement particulier, l’hommage durable qu’ils peuvent si facilement trouver, Rulhières et Chamfort, dans le critique célèbre qui en a récemment donné la rapide esquisse ; Lemière, dans un des poètes qui l’ont tant surpassé ; Condorcet, homme de lettres avec une nuance toujours si marquée d’esprit scientifique, dans le peintre éloquent et affectueux de Buffon et de Cuvier ; Sedaine, dans l’auteur dramatique nommé par tout le monde ; Chabanon, disciple plus zélé qu’habile de la poésie grecque, dans un des rapporteurs du concours proposé sur Pindare ; de Bréquigny, dans un des écrivains éminens dont l’exemple a si bien attesté de nos jours ce que la philosophie de l’histoire et l’éloquence qu’elle comporte doivent à l’exacte et curieuse érudition ; Séguier, de Nicolaï, Montesquiou, d’Harcourt, dans un des hommes politiques qui nous montraient, il y a quelques années, le savoir et l’éloquence si heureusement unis à la pratique des affaires et à la libre discussion des intérêts publics.

Pour d’autres noms, pour la série qui s’étend de 1772 à 1792, et qui recommence à 1803, ce qui importerait aujourd’hui, ce serait d’ajouter à l’hommage contemporain qu’ils reçurent le jugement de l’avenir et cette exactitude d’analyse, cette précision de détails que veut surtout l’histoire littéraire. S’il nous était donné de suffire quelque temps à cette tâche, si nous pouvions, en dévouant le travail d’une rigoureuse retraite à ce qui n’était que la distraction et le repos de l’illustre d’Alembert, réunir avec fidélité, dans un ordre historique, une partie des physionomies où se reproduisaient à degrés divers tant de précieux dons de l’esprit français, nous croirions n’avoir pas démérité de la confiance déjà longue dont nous a honoré l’Académie, et il nous a semblé en particulier que c’était une dette envers elle, aussi peut-être une obligation de sa part, de ne pas laisser interrompu, de reprendre,

  1. Témoin le récit si élevé et si simple de M. le duc de Fezensac, colonel d’un régiment dans la campagne de 1812.