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émigrans le temps d’asseoir leur existence et de ne pas les accabler du poids des soins continuels à donner aux nouveaux venus. L’expérience prouva que la mesure était bonne, car les renseignemens parvenus au meeting de 1841 établissent que la colonie était alors en pleine prospérité. Deux jolis villages, Harper et Mont-Tubman, étaient reliés par une avenue plantée, le long de laquelle étaient distribués les terrains cultivés par les colons. L’état sanitaire était des meilleurs et prouvait que l’emplacement avait été des mieux choisis; sur une population de cinq cents personnes, la mortalité était de neuf individus contre dix-sept naissances.

En 1843, on put songer à augmenter le territoire, et à cet effet on acheta le district de Fishtown, qui renfermait un havre excellent et fut signalé comme un point de mouillage et de ralliement pour l’escadre américaine. Cette importante acquisition fut suivie en 1846 de celle des districts de Tabou, Tahoc, Grand-Bereby, Petit-Bereby, de Bassa et de Garraway, qui complétèrent au Maryland-in-Libéria une frontière maritime de 130 milles anglais (210 kilomètres). À cette même époque (1843), on sentit le besoin de créer des ressources à la colonie, afin de lui préparer les moyens de se maintenir par elle-même. On autorisa donc le gouverneur à percevoir sur les marchandises un droit ad valorem qui variait de 5 à 10 pour 100, un droit de phare pour celui qui avait été construit sur le cap Palmas, et à délivrer des licences pour le commerce à ceux qui se montraient capables et dignes d’en profiter. Le commerce régulier prit donc son essor, et depuis lors il a paisiblement et heureusement continué sa course. Il porte sur les mêmes objets que celui de la Libéria; l’agriculture s’est développée avec facilité sur cette terre féconde, de petits navires ont été construits et font un cabotage profitable; la colonie enfin paraît être dans des conditions tout-à-fait normales pour assurer sa prospérité et son indépendance. Le gouverneur Russwurm est un homme de couleur fort capable et dont on fait grand cas aux États-Unis. La population émigrante se montait, lors du dernier rapport fait à l’administration de Baltimore (janvier 1850), à 804 individus, 388 hommes, 416 femmes[1]. On calculait que l’influence plus ou moins directe de la colonie s’étendait sur une population indigène de 100,000 ames environ. La défense du pays est confiée à une milice composée de cent soixante-quinze hommes partagés en deux compagnies, une d’infanterie et une autre d’artillerie, toutes deux bien armées, bien habillées uniformément et exercées chaque semaine. Le pavillon adopté est celui des États-Unis, à l’exception des étoiles, qui, dans le champ bleu, sont remplacées par une croix blanche aux bras égaux. Le territoire est compris entre la rivière de Grand-Sesters par 4 degrés 35 minutes nord, qui forme la frontière de l’ouest, et la rivière San-Pedro par 5 degrés nord, qui établit à l’est la limite de l’état.

Le revenu public ne s’élevait encore qu’à 2,000 dollars environ d’après les derniers renseignemens; mais la Société de colonisation pourvoit au surplus

  1. Les nouveaux émigrans sont entretenus gratuitement pendant six mois, après quoi ils doivent pourvoir à leurs besoins. On leur fournit, à leur arrivée, une maison et cinq acres de terre s’ils sont mariés, la moitié s’ils sont célibataires, ce qui est plus que suffisant dans une contrée aussi favorisée du ciel. S’ils veulent une plus grande étendue de terre, ils peuvent en acheter à raison de 1 dollar l’acre.