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commentaires de M. Webster et les scrupules constitutionnels de quelques-uns des orateurs du congrès. Les pêcheurs américains ont le droit de pêcher dans la baie de Fundy, parce que, selon la parole du psalmiste, « si la terre a été donnée aux enfans des hommes, la mer n’appartient qu’à Dieu seul. Les lois romaines établissent en outre que la mer est libre comme l’air, et appartient au premier occupant. » Telles sont les opinions de M. Soulé, peu disposé, comme on le voit, à reconnaître la suprématie maritime de la Grande-Bretagne. D’ailleurs il ne faudrait pas croire que les intérêts engagés dans cette querelle soient d’une médiocre importance ; nous avons sous les yeux le relevé des importations et exportations de poisson salé ou séché pendant les onze dernières années. En 1840, le commerce de la pêche représentait un chiffre de 104,304 tonneaux ; en 1850, de 151,618 ; en 1851, de 196,154. Les exportations de poisson séché dépassent de beaucoup les importations. Dans cette querelle en apparence assez légère, des intérêts très sérieux se trouvent en jeu, comme on le voit. Une querelle d’une nature analogue s’est élevée entre le gouvernement péruvien et le gouvernement de Washington ; c’est tout-à-fait le pendant de l’affaire des pêcheries. Le gouvernement péruvien, depuis la découverte du guano, a imposé un droit à tout vaisseau qui vient se charger de guano sur ses côtes, ou sur les rochers et les îlots déserts et presque inhabitables situés à une lieue maritime de ces côtes. Les îles Lobos, situées environ à quarante-cinq milles à l’ouest des côtes péruviennes, doivent-elles être regardées comme propriété du Pérou ? L’Angleterre a reconnu cette propriété par l’organe de lord Malmesbury, qui a déclaré que, quelque avantageux qu’il fût pour la Grande-Bretagne de s’approprier ces îles, cependant les intérêts de la nation ne devaient pas être mis au-dessus des traités conclus. M. Abbott Lawrence, ministre des États-Unis à Londres, a consenti à reconnaître la souveraineté du Pérou sur ces îles ; mais le gouvernement de Washington ne semble pas avoir adhéré aussi facilement que son ministre, et vient de déclarer, par l’organe de M. Webster, que, les îles Lobos étant situées à plus d’une lieue maritime de la côte du Pérou, les navires américains avaient le droit d’aller s’y charger de guano, sans avoir à payer aucun tribut au gouvernement péruvien. D’ailleurs ces îles, ayant été visitées pour la première fois en 1823 par un Américain, Benjamin Morell, maître du navire la Guêpe, et décrites par lui en 1832, peuvent être considérées à juste titre comme sa propriété, et subséquemment comme la propriété de tous les citoyens de l’Union. En même temps, et pour appuyer ces prétentions, le ministre de la marine envoie au commodore M. Mac Auley, qui commande l’escadre de l’Océan Pacifique, l’ordre de se diriger vers les îles Lobos avec un vaisseau de guerre pour protéger les intérêts des Américains. L’affaire en est là. Ainsi, comme on le voit, les États-Unis étendent de plus en plus leur domination sur le Nouveau-Monde tout entier par voie de menaces, de conquête, de diplomatie ou de protectorat ; ils sont partout au Pérou, à Nicaragua, à Panama, à Cuba, à Haïti, aux îles Sandwich, et dernièrement encore, comme on va voir, ils menaçaient le Mexique.

Les questions extérieures ne font pas perdre de vue la question de la présidence. Le parti whig se divise et se fractionne de plus en plus ; à l’heure qu’il est, il n’a pas moins de trois candidats. Les whigs de la Caroline du sud,