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à travailler avec la même ardeur que s’il eût été favorisé dès son début, il parvint à recueillir successivement, pendant les trois mois suivans, la valeur de trois mille piastres, c’est-à-dire plus de quinze mille francs. Cet exemple n’est pas le seul que je pourrais citer ; plusieurs de nos compatriotes jouissent aujourd’hui paisiblement du fruit de leurs travaux et des privations morales et physiques qu’ils se sont imposées en venant en Californie. Presque tous ces derniers appartiennent à cette classe d’hommes de la campagne, laborieux, sobres et patiens, que les difficultés ne découragent pas, et qui comptent seulement sur leurs efforts personnels pour acquérir, par d’opiniâtres efforts, ce que le destin, qui distribue les positions sociales, ne leur a point dévolu.

Une autre catégorie de chercheurs d’or français, marins de profession et ayant fait partie des équipages de nos navires de commerce qu’ils abandonnaient par une désertion générale dès leur arrivée dans le port de San-Francisco, a été souvent favorisée par le travail des fouilles des terrains aurifères. Cette classe d’hommes qui, encore plus que la précédente, est habituée par état à supporter tous les climats de la terre et à endurer de nombreuses privations, est parvenue plus d’une fois à faire de riches découvertes. Malheureusement une conduite déréglée, des goûts extravagans lui enlevaient presque toujours le fruit de si pénibles labeurs.

Jusqu’en 1850, des hommes aventureux, un petit nombre de vrais travailleurs et une foule d’émigrans impropres au pénible labeur des mines composaient la population française en Californie. Depuis le commencement de l’année dernière et même dès la fin de 1850. l’émigration française a pris un tout autre caractère ; ce ne sont plus d’anciens fonctionnaires et des ouvriers invalides comme ceux que transportèrent presque exclusivement à San-Francisco les premiers navires partis du Havre, Ce sont presque tous aujourd’hui de ces hommes robustes et sobres qui auront raison des difficultés créées par la nature, en recherchant quelquefois le précieux métal dans les parties du sol les plus impénétrables, et qui rivaliseront de zèle avec l’entreprenant Américain et le nonchalant, mais adroit Mexicain, dans les fouilles des terrains aurifères de la Californie. Pour les hommes dont je viens de parler, mais seulement pour eux, le moment est et sera long-temps encore favorable à une émigration vers les plages californiennes. Les conditions actuellement faites au mineur y sont peut-être plus avantageuses qu’à l’origine de la découverte des gisemens. À cette époque, il ne s’agissait cependant que de gratter le sol pour en extraire journellement la valeur de 60 à 80 francs, et même au-delà ; mais qu’importe au mineur de recueillir par jour une pareille valeur, s’il doit en déduire les cinq sixièmes pour ce qui peut être appelé le prix de la