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articles de goût pour lesquels nous n’avons pas de rivaux au monde, forment autant de séries de marchandises dont l’écoulement, dans un délai variable, il est vrai, sera presque toujours assuré en Californie. Aujourd’hui nos exportations pour ce pays devraient se borner exclusivement à nos vins et eaux-de-vie, par des envois successifs et sur des bases raisonnées, de manière à ne point surcharger ce nouveau marché, où les fluctuations défavorables à la valeur des marchandises sont souvent produites par des arrivages peu considérables que la spéculation fait envisager comme un signe précurseur de nouvelles et nombreuses expéditions. L’envoi de nos vins devrait avoir lieu en demi-pièces, solidement établies, afin d’en rendre le transport facile à toutes les époques de l’année jusque sur les lieux de consommation. Il faut d’ailleurs, dans toutes les expéditions de marchandises françaises pour la Californie, agir avec circonspection et redouter les approvisionnemens qui peuvent exister dans les différens ports des États-Unis, comme à New-York, Boston et Baltimore. Les Américains ont établi depuis peu d’années de nouveaux bâtimens taillés pour la course, qui forment aujourd’hui la presque totalité de la marine des États-Unis. Ces navires, bien connus sous le nom de clippers, franchissent fréquemment dans l’intervalle de trois mois l’immense distance qui sépare l’un des trois ports américains de San-Francisco, tandis que nos navires de commerce partis du Havre pour la même destination restent en route communément cinq et six mois.

Il peut y avoir dans cette différence entre la marche des navires américains et celle des navires européens l’explication d’un fait étrange qu’on a pu noter fort souvent sur le marché de San-Francisco. Les produits expédiés d’Europe, avec toute la diligence possible et au moment où ils étaient le plus demandés sur le marché, y ont presque toujours, en arrivant, rencontré un encombrement de produits semblables. Au contraire, les marchandises expédiées des mêmes ports pour la même destination, à l’époque où le besoin ne s’en faisait nullement sentir, ont trouvé très souvent, à leur arrivée, un placement facile et avantageux. Il ne faudrait cependant pas déduire de ces remarques une règle générale et une ligne de conduite à suivre : c’est plutôt un fait qu’il faut soumettre à l’appréciation de nos maisons de commerce dont les relations se sont étendues jusque vers cette contrée.

Depuis cinq ans environ que les Américains possèdent la Haute-Californie, d’immenses progrès matériels ont été réalisés dans ce pays ; des travaux d’une importance gigantesque ont été accomplis avec une rapidité qui tient du prodige ; des montagnes entières ont disparu, de vastes cités ont été créées comme par enchantement, des routes ont été percées, et tous les cours d’eau navigables sont aujourd’hui sillonnés par de nombreux bateaux à vapeur. D’autres travaux non moins