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jusqu’alors à la tête des missions qu’ils avaient fondées et développées, ne furent plus admis à prendre part à la direction de ces établissemens ; ils furent remplacés par de simples pasteurs dont les troupeaux disparurent presque entièrement peu de temps après la formation de la nouvelle administration. Celle-ci, qui n’était que la représentation du gouvernement central, était composée d’hommes intéressés et avides, qui exerçaient sur les naturels de nombreuses exactions, dévastaient le pays et provoquaient de la part de ces derniers de terribles représailles. Dans toute l’étendue du territoire, de l’Océan Pacifique aux montagnes de la Sierra-Nevada, et du cap Mendocino à San-Diego, Indiens et Mexicains étaient constamment engagés dans des luttes stériles qui n’amenaient aucune soumission de la part des vaincus, car le gouvernement mexicain était malheureusement incapable de rétablir l’ordre parmi ses sujets en Californie.

Sous la funeste influence de cette anarchie, le pays rétrograda avec rapidité. Les missions, d’abord si florissantes, furent bientôt abandonnées ; les champs qui les avoisinaient devinrent improductifs, et la contrée intérieure se dépeupla pour rentrer dans le néant d’où elle sortait à peine. Une race entreprenante, possédant au suprême degré l’énergie et toutes les qualités qui font de ses enfans les plus habiles colons du monde, la race américaine, avait alors poussé ses investigations jusque vers ces parages ; elle y avait constaté l’excellence du climat, la fertilité du sol, et, avant toute chose, la situation avantageuse d’un territoire susceptible de donner aux états voisins de l’Atlantique une grande extension commerciale. Des compagnies d’Américains venus par diverses voies, les uns par le chemin périlleux des Montagnes Rocheuses et de la Sierra-Nevada, les autres en doublant le cap Horn ou en traversant l’isthme de Panama, s’étaient installées dans le pays, où ils s’adonnèrent principalement à l’agriculture. Quant à ceux qui étaient habitués à manier la hache et la scie, ils établissaient des constructions propres aux divers usages du colon dans ce singulier style d’architecture qui a toujours l’apparence du provisoire et que paraît affectionner l’Américain. Les États-Unis étaient ainsi, par le fait, en possession de la Haute-Californie avant même d’être en guerre avec le Mexique. Le gouvernement mexicain, épuisé par de vains efforts et affaibli par des divisions intestines, ne put s’opposer à l’invasion des Américains dans le territoire où ils se trouvaient déjà en grand nombre ; ceux-ci, ne rencontrant aucune résistance, occupèrent sans coup férir cette nouvelle contrée, en se portant à la fois à Monterey et à San-Francisco, où flotte depuis le mois de juillet 1846 le pavillon des états de l’Union américaine, orné, depuis l’automne de l’année 1850, d’une nouvelle étoile qui représente l’état de la Haute-Californie.

Peu de temps avant 1846, la population répartie sur ce territoire,