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quelques esprits, n’était pas de nature à servir d’aliment aux passions fougueuses auxquelles la presse dans ses fureurs et les sociétés secrètes dans leurs sombres conjurations ne donnaient jamais pour but qu’un gouvernement à renverser et un abîme à ouvrir. La confiance publique se retira donc de l’opposition sous le coup de ses défaites accumulées, et cette Babel de toutes les colères sembla pour un temps crouler par sa base.

Cependant, pour déterminer sa chute, une dernière épreuve restait à subir, un dernier doute à lever. La restauration avait-elle une armée ? En réunissant avec une généreuse confiance autour du trône les débris des phalanges impériales, Gouvion Saint-Cyr n’avait-il pas préparé les élémens d’un nouveau 20 mars ? Question redoutable, à la solution de laquelle étaient attachés et la consolidation de la monarchie et le rétablissement de l’influence française au dehors. Admise en 1818 dans l’alliance des cinq puissances, la France voyait s’élever devant elle un double obstacle. D’une part, le souvenir de son ancienne prépondérance resserrait le lien qui unissait les cours, lors même que les intérêts territoriaux étaient de nature à les diviser ; de l’autre, les suspicions entretenues sur la force et la stabilité de son gouvernement présentaient une occasion plausible pour décliner son intervention dans toutes les questions d’intérêt européen. S’émanciper de ses alliés en relevant son drapeau, marcher pour répondre à qui lui déniait la faculté de se mouvoir, tel était alors l’intérêt manifeste de la monarchie française. L’Espagne fournit à la royauté le moyen de frapper ses ennemis au dedans en rendant à son pays sa place au dehors. Sans admettre, avec le brillant auteur du Congrès de Vérone, que le passage de la Bidassoa assurât le passage du Rhin, et que l’entrée de l’armée française à Madrid emportât comme conséquence la résiliation des traités de Vienne, on ne saurait méconnaître qu’une campagne opérée par le drapeau blanc contre le drapeau tricolore déployé sur la frontière ne donnât à la maison de Bourbon une attitude toute différente de celle qu’elle devait, depuis 1815, au patronage de l’Europe et à des dévouemens incertains.

En saisissant l’occasion que lui ménageait la fortune, le roi Louis XVIII faisait d’ailleurs un acte commandé par d’évidentes nécessités. Aux premiers jours de 1823, la révolution espagnole avait perdu le caractère que lui avaient maintenu les premières cortès pour prendre une physionomie toute démagogique. La chute des insurrections militaires de l’Italie avait exalté des passions qui s’efforçaient, par des manifestations frénétiques, de faire illusion sur leur impuissance. Ferdinand VII, trop digne du triste rôle que lui imposaient les factions, n’était plus depuis la tentative manquée du 7 juillet, qu’un automate dont une émeute forçait à point nommé le courage et la signature. La