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Crucès, à 6 milles plus haut ; ce trajet, à la remonte, est très difficile à cause de la grande rapidité du courant. De Crucès à Panama, on suit l’ancien chemin dont la construction est attribuée à Pizarre, et où l’on trouve quelques vestiges de pavage. C’est pour cela qu’il est préféré pendant la saison des pluies. Le Chagres et ses affluens sont, comme tous les cours d’eau de ces régions, sujets à des crues très rapides. Ainsi, à Gorgona, où l’on a fait des jaugeages, parce que l’on doit y construire un pont pour la traversée du chemin de fer, la profondeur des eaux, pendant la saison sèche, n’est que de 5 à 6 pieds anglais (1 mètre 55 cent. à 1 mètre 82 cent.) ; à l’époque des crues, cette profondeur atteint 40 pieds (un peu plus de 12 mètres).

Le village de Gorgona se développe dans le sens de sa longueur perpendiculairement à la rivière. Il est construit sur un terrain à peu près de niveau, qui s’élève de 12 à 15 mètres au-dessus du Chagres. Les anciennes habitations sont les mêmes que l’on trouve partout sur l’isthme, c’est-à-dire de simples huttes. Il y a aussi un assez grand nombre de bâtimens en bois qui ont été construits dans ces derniers temps par des Européens ou des Américains du Nord, qui exercent là, comme partout sur l’isthme, les diverses professions qui s’alimentent du mouvement d’émigration. Gorgona a été presque entièrement détruit, au mois de février 1851, par un incendie ; à cette époque, on y comptait une centaine d’habitations.

De Gorgona à Panama, on ne rencontre aucune localité qui mérite une mention spéciale. On aperçoit, à quelques milles, le Cerro-Gigante du sommet duquel on découvre les deux océans. Toute cette partie de l’isthme est couverte de ces cerros ou pitons isolés dont la hauteur dépasse rarement 200 mètres. La ville de Panama, où doit aboutir le chemin de fer du côté du Pacifique, est située, comme on sait, au fond de la baie de ce nom. Cette ville, qui a joué un rôle assez important dans l’histoire des colonies espagnoles, était bien déchue de son ancienne importance, lorsque le mouvement d’émigration vers la Californie s’est déclaré, il y a moins de quatre ans. La ville actuelle de Panama date seulement de la seconde moitié du XVIIe siècle ; elle a été construite, après la destruction de l’ancien Panama par les boucaniers, vers l’année 1670. À cette époque, le boucanier anglais Morgan traversa l’isthme à la tête de 1,500 hommes, après s’être emparé du fort San-Lorenzo, et saccagea la ville ancienne de Panama ; c’est à 8 milles (13 kilomètres) au sud-ouest de celle-ci qu’on a construit la ville actuelle sur une pointe de terre faisant saillie sur la baie, et dont la forme est à peu près celle d’un parallélogramme de 500 mètres de long sur 400 mètres de large : Au sud-est, il y a une petite langue de terre étroite et longue, comprise dans l’enceinte fortifiée qui entoure la ville. Cette enceinte, fort irrégulière, consiste en un mur d’escarpe